Raymond Lulle – Allo !… Mars ?… (1924)

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« Allo !… Mars ?… », de Raymond Lulle, est paru dans L’Œuvre du 14 août 1924.

Allo !… Mars ?…

Nous allons tenter de communiquer par signaux avec les Martiens.

Dans l’immensité du ciel, les astres vont leur chemin, comme des gens bien sages, sans jamais se rencontrer.

Cela ne fait pas l’affaire de quelques terriens, avides de connaissances nouvelles, qui voudraient bien, de temps en temps, entrer en relations avec les habitants d’un astre qui viendrait se mettre à leur portée. Ils ont parfois un moment d’espoir quand une comète, dans sa trajectoire mal définie, est sur le point de heurter la terre. Hélas ! même dans ce cas, leurs désirs ne seraient pas satisfaits, car tous les terriens et tous les « cométiens », s’il y en avait, seraient vraisemblablement asphyxiés, noyés, brûlés ou engloutis avant même que le choc des deux astres se produisît.

Il reste heureusement à nos amateurs d’extra-terrestre la possibilité de communiquer avec les astres voisins. Il y en a un bien commode pour cela, la lune, qui n’est qu’à 400.000 kilomètres de nous. Hélas ! il n’y a rien à faire de ce côté-là, les physiciens et les astronomes ayant démontré que notre satellite est parfaitement désert, car il n’a ni eau ni atmosphère et se trouve probablement déjà, pour la température, dans les conditions de refroidissement qui amèneront chez nous la fin du monde.

Après la lune, nos voisins les plus immédiats sont les planètes Vénus et Mars. Comme la terre et les autres planètes, elles tournent autour du soleil suivant une orbite un peu allongée, une ellipse dont le soleil est un foyer.
Leur vitesse sur leur ellipse est très différente suivant la planète : plus celle-ci est près du soleil, moins elle met de temps pour en faire le tour ; Vénus va plus vite que la Terre qui va plus vite que Mars. La distance de ces planètes entre elles est aussi très variable. Tantôt elles semblent se fuir, chacune à une extrémité opposée de son orbite. Tantôt, sur cette orbite, chacune semble courir après l’autre et leur distance est alors minima.

C’est ce qui va se produire pour Mars et la Terre ces jours-ci. Leur distance à ce moment ne sera plus que d’environ 70 millions de kilomètres. Voilà pour les amateurs l’occasion de s’embarquer pour un monde nouveau. Certains y ont, paraît-il, songé. Aux États-Unis (naturellement), un astronome avait conçu le projet d’envoyer un gigantesque obus (quoi d’impossible après les Berthas ?) sur nos voisins. L’obus aurait pu être être aménagé pour le transport de passagers. Il a renoncé à son projet. Est-ce crainte de ne pas trouver de voyageurs ou pour un obus plein, appréhension de n’être jamais renseigné sur son sort ? La chose est restée à l’état de projet et ce n’est pas encore cette fois que partira le courrier pour Mars.

Plus sérieux, semble-t-il, d’autres avaient pensé employer des projecteurs d’une intensité extrême, qui auraient été dirigés vers Mars, ce qui aurait donné aux Martiens l’impression de points brillants à la surface de la Terre, qui sera alors pour eux privée de la lumière solaire. Si les Martiens apercevaient ces signaux et étaient en état d’y répondre, il faudrait pour cela attendre le prochain rapprochement des deux planètes qui ne se produira que dans quinze ans.
Tous ces essais dénotent des esprits ingénieux. Mais qu’on me permette une objection. S’il y a sur Mars des hommes à peu près semblables à nous, qui nous dit qu’ils ont les mêmes connaissances que nous et les mêmes moyens ? Supposez que les Martiens en soient seulement au même point que nous il y a trois siècles, que peuvent faire sur eux nos signaux ?

Mais d’ailleurs, pourquoi imaginer sur un astre, évidemment assez semblable au nôtre, mais où tant de conditions diffèrent, des êtres semblables aux êtes humains. Même si l’évolution de la cellule primitive y a eu lieu suivant les mêmes lois qu’ici-bas, pourquoi admettre que les espèces s’y sont subordonnées de la même façon ? L’être supérieur qui y gouverne les autres est peut-être un oiseau ou un batracien et, si son intelligence supérieure lui a permis de voir ce qui se passe sur la terre, il doit être indigné du traitement que l’homme inflige aux poulets et aux grenouilles Et est-ce bien prudent, après tout, d’attirer l’attention de ces gens-là ?

Sur le même thème, lire l’anthologie Allo ! La Planète Mars, s.v.p. ?, Bibliogs, 2016.

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