À l’Ombre des ailes, Ernest Pérochon et Raylambert, roman scolaire espiègle pour une école enjouée

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 À l’ombre des ailes, par Ernest Pérochon, illustré par Raylambert, 1936.

 À l’ombre des ailes, par Ernest Pérochon, illustré par Raylambert.

 

Éditions Delagrave, (c) 1936 (impression en septembre 1935) — Roman scolaire Cours Moyen et Certificat d’Étude Primaire.

 À l’ombre des ailes, un livre de lecture suivie paru en 1936 chez Delagrave, n’est pas la seule collaboration d’Ernest Pérochon et Raylambert pour l’Éducation nationale. Ils ont contribué ensemble à plusieurs livres scolaires, Contes des cent un matins, Le livre des quatre saisons par exemple, où le même charme, naïf sans être mièvre, se manifeste. Ces manuels déployés sur les tables d’école pendant des années ont laissé une impression durable. Ils sont recherchés par l’enfant que reste au fond de lui-même chaque adulte, celui qui les a utilisés au temps de la gomme et de l’encrier, mais aussi celui qui les a découverts au hasard d’une malle ou d’une brocante. Rien d’étonnant, Ernest Pérochon, ancien instituteur, possède le talent de la simplicité et une imagination riche et généreuse. Raylambert croque l’instant avec un humour bon enfant et une petite touche d’émerveillement. Un tandem gagnant pour enseigner l’amour de la lecture et des illustrations.

 

Pour goûter le style des deux compères, voici un extrait fantastique du récit. Michel, bon élève, vit une étrange aventure la veille de l’examen du Certificat d’Études. Il s’agit, bien sûr, d’un cauchemar dont le pire protagoniste n’est pas tout à fait celui qu’on imaginerait dans une lecture continue sérieuse.

 

 

Après souper, Michel, pour la dixième fois, expli­qua à M. Richaud et à Madeleine comment il avait fait pour tirer la perche de la rivière.

Madeleine souriait. Elle dit :

« C’est très bien ! Mais il ne faut pas se laisser trop griser par ce succès. N’oublie pas que tu dois, demain, te présenter devant des examinateurs… Je pense qu’il serait sage d’aller dormir.

— Tu as raison ! » dit Michel, soudain calmé.

Il gagna sa chambre et se coucha. Mais son pre­mier sommeil ne fut pas aussi tranquille qu’à l’or­dinaire.

Il rêva qu’il était avec son père, à bord d’un navire qui traversait l’océan Pacifique. Il pêchait à la ligne dans le sillage du navire. Ce n’étaient plus des goujons, des perches ou des carpes qui mordaient à l’hameçon, mais des requins, des cachalots, des baleines. Michel avait beau tirer, il ne pouvait les amener sur le navire.

Dans les parages de la Nouvelle-Calédonie, il ferra une raie qui avait une tête de rhinocéros et qui était aussi vaste qu’un département… Michel tirait sur la ligne, et son père, pour l’empêcher de tomber par­-dessus le bastingage, le tenait par les pieds. La raie se débattait si formidablement qu’elle disloqua la Nouvelle-Calédonie ; d’un seul coup de sa terrible queue, elle anéantit Nouméa ! Néanmoins, Michel tirait toujours. L’officier mécanicien vint sur le pont et dit à Michel :

« Finissons-en, jeune candidat ! Vous ne voyez donc pas que vous immobilisez le navire ! »

Michel dut renoncer à la raie. Son père le consola en disant :

« Elle était pleine d’arêtes… Maintenant, fais attention ! Nous arrivons aux îles Sous le Vent : je parie que tu vas prendre une anguille. »

Et, en effet, une anguille mordit à l’hameçon… Une toute petite anguille, une anguille grosse à peine comme un brin de fil.

« Celle-ci, dit Michel, je n’aurai aucune peine à la tirer de l’eau.

— Euh ! fit son père, méfie-toi ! Elle t’a jeté un coup d’œil qui ne me dit rien de bon. »

Il n’avait pas achevé ces mots que l’anguille com­mença de grossir. Elle devint anguille de matelote, puis serpent boa, puis une bête énorme dont la queue se déroulait à l’infini. Et, tout à coup, malgré ses puissantes machines, le navire s’arrêta : l’anguille s’était enroulée autour de l’île de Tahiti ! Michel entendit son père qui disait :

«Tire bien fort !… Tu l’auras quand même, cette maudite anguille ! »

Et tous les matelots, sur le pont, criaient aussi, pour l’encourager :

« Ho ! Hisse !… Ho ! Hisse ! Michel, rassemblant ses forces, tira sur la ligne et, d’un seul coup, comme un dentiste arrache une dent cariée, il arracha l’île de Tahiti !… »

Alors il se fit un grand silence, un étonnant silence, un terrible silence. Michel se retourna et il ne vit plus ni son père ni les matelots. À leur place, sur le pont du navire, il vit l’inspecteur de l’enseigne­ment et une douzaine de messieurs au front grave. C’était la commission d’examen pour le certificat d’études.

L’inspecteur dit d’une voix sévère :

« Le candidat Michel Misbert aura la note zéro en géographie, parce qu’il a détérioré deux colonies françaises. Vous entendez, candidat Misbert : zéro !… zé-ro !… ZÉ RO !… »

La voix de l’inspecteur s’était si démesurément enflée qu’elle couvrait le bruit de toutes les vagues du Pacifique, et qu’elle devait s’entendre de la Nou­velle-Zélande à l’Alaska.

 

Les hommes frénétiques, un roman d’anticipation paru chez Plon en 1925.

Ernest Pérochon (1885 – 1942), écrivain respecté dans la littérature classique, est cependant connu surtout des amateurs de science-fiction pour un ouvrage, écrit en 1925, Les hommes frénétiques. L’écrivain, que la Première Guerre mondiale n’a pas laissé indemne, s’interroge comme beaucoup sur les bienfaits de la science. Il craint, à juste titre, le développement des armes destructrices en masse et imagine la destinée de la race humaine, après une annihilation presque totale. Il aura le temps de constater la justesse de son anticipation durant la Seconde Guerre. Homme de principe, il refuse d’obéir au gouvernement de Vichy et s’attire ainsi la surveillance constante de la Gestapo. Il mourra d’une crise cardiaque en 1942.

Un autre collaboration d’E. Pérochon et Raylambert qui fut aussi publié en joli cartonnage décoré hors scolaire.

 

 

Raylambert (1889 – 1967) a illustré un grand nombre de livres scolaires, de lecture mais aussi de mathématiques ou de grammaire. Chacun de ces manuels est transformé sous la tendre faconde de son crayon. D’ouvrages de l’enseignement obligatoire, ils deviennent des récits attirants, embellis de clins d’œil amusants et de gags discrets.

 

 

 

2 COMMENTAIRES

    • Mais, je croyais que tu l’avais obtenue, cette option ! demande-la ! Ça rend bien, s’pas. (je ne l’ai pas non plus sur l’Esthète, je vais peut-être bien réclamer 🙂 )

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