Gaston de Pawlowski – Le Secret des Fouilles de Glozel (1928)

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Le Secret des Fouilles de Glozel, de Gaston de Pawlowski (et non Pawlowsky, contrairement à ce qui est indiqué en couverture), fut publié par la marque automobile Hotchkiss, en 1928. Les 20 illustrations qui accompagnent le texte sont de Pierre Delarue-Nouvellière.

De petite taille (13 x 10,5 cm), ce livret de 16 pages est très fragile : il est assez rare de trouver des exemplaires en bon état.

« Le grand événement du jour est la polémique ardente qui s’est élevée entre les savants qui s’occupent de la préhistoire à l’occasion des fameuses fouilles de Glozel. La Société Hotchkiss, toujours à l’affût de l’actualité, vient d’éditer une délicieuse plaquette intitulée Le Secret des fouilles de Glozel. Celle-ci, qui plaira sûrement aux bibliophiles, est due à la plume du maître G. de Pawlowski et illustrée de délicieuses gravures en couleur dues au crayon de l’humoriste d’une fantaisie si charmante, Delarue-Nouvellière. Cette plaquette nous révèle le secret véritable des fouilles de Glozel, et nul doute que les privilégiés qui pourront la lire n’en goûtent le charme et le vif intérêt. La Société Hotchkiss tient ces plaquettes à la disposition des personnes qui en feront la demande. » [Georges Bruni, « La Vie sportive », in Le Gaulois du 6 janvier 1928.]

Le Secret des Fouilles de Glozel

On a beaucoup glosé ces temps-ci sur le glozélien et l’on s’est gaussé des fouilles de Glozel. Ce qui déroutait en effet bien des archéologues, c’était la diversité des objets trouvés dans le bric à brac préhistorique du père Fradin. Il y en avait de toutes les époques, depuis le paléolithique, jusqu’au néolithique, sans oublier les périodes polithiques intermédiaires (1).

On a aujourd’hui la clef de ce mystère ; on se trouve tout simplement en présence d’une collection de cadeaux faits à toutes les époques à l’occasion des étrennes, et l’on peut fixer la date où fut anéantie cette collection vers l’an 500. Un document précieux nous est fourni en effet à ce sujet, par la vieille Chronique de Saint-Denis qui fut écrite, on le sait, à peu prés à l’emplacement où se trouvent aujourd’hui les usines Hotchkiss.

D’après les Chroniques de France de l’Abbaye de Saint-Denis, on sait en effet que Clovis, ayant fait amasser le butin dans la ville de Soissons, demanda que l’on mit dans sa part un vase d’argent que lui réclamait Saint-Rémi, évêque de Reims, et qu’on avait volé dans son église. Un Franc collectionneur qui ignorait tout des usages de l’armée, bien qu’il en fit partie, réclama le vase pour ses collections, ce qui n’empêcha pas, naturellement, Clovis de le donner à Saint-Rémi. Mais, fort de l’insulte faite à son autorité, Clovis, un an après, se vengea sur l’archéologue démobilisé : il fit cerner sa maison située à Glozel, aux environs de Vichy, et, sous prétexte que cette maison était mal tenue, fendit la tête à l’archéologue et fit enterrer par ses soldats collections et collectionneur sous une couche d’argile, en prononçant ces paroles mémorables : « Souviens-toi de la vase de Soissons. »

Ce calembour mérovingien est évidemment déplorable mais il passa pour fort piquant à l’époque. Tous ceux qui ont été au front de Soissons pendant la guerre conviendront, par ailleurs, qu’il évoquait fort bien le souvenir de cette région.

On ne saurait dès lors s’étonner de la diversité des objets glozéliens, appartenant à toutes les époques, qu’avait laborieusement réunis le collectionneur mérovingien.

On n’ignore pas en effet que la coutume la plus universellement connue chez tous les peuples est celle des cadeaux d’étrennes. Dans la préhistoire, au renouvellement de la belle saison, on offrait des petits gâteaux en terre comestible couverts de dessins et d’inscriptions qui ressemblaient singulièrement aux petits gâteaux secs en usage aujourd’hui. Les inscriptions magiques étaient destinées à préserver les gens de l’entérite, fort commune à l’âge humide des cavernes ; quant aux dessins d’animaux, ils étaient faits pour amuser les enfants et les entraîner à dévorer le gibier tout crû.

Des petits sacs de verveine représentaient, dans la collection, les premiers âges de Rome ; les Romains offraient en effet à leurs magistrats, comme cadeaux de bonne année, des rameaux de verveine cueillis dans le bois sacré de Strena, d’où le nom d’étrennes ; les druides, eux, se contentaient pour le même usage du gui que l’on promenait triomphalement en chantant : « Au Gui, l’An neuf ! »

L’église, tout d’abord, déclara que les étrennes étaient une coutume païenne et diabolique ; c’est sans doute pour cela que le cardinal Dubois, fort avare, disait plus tard à ses domestiques, au jour de l’an : « Je vous donne tout ce que vous m’avez volé pendant l’année. » Cela pouvait se faire au XVIIIe siècle, mais le procédé n’est pas à conseiller de nos jours.

Dans l’ancienne Rome impériale, le peuple donnait de l’argent aux grands seigneurs, le Jour de l’An. Cette coutume s’est modifiée par la suite et le pourboire a changé de mains.

Les cadeaux les plus somptueux que mentionne l’histoire sont ceux que la petite négresse Balkis, plus connue sous le nom de reine de Saba, fit au roi Salomon. Voltaire a fait le calcul de ce que représentaient ces cadeaux en monnaie moderne, cela dépasse toute imagination et jamais dans sa toute sagesse, Monsieur Salomon Reinach n’espéra en recevoir de pareils de Joséphine Baker. Quant au docteur Morlet, apôtre de Glozel, il se contente joyeusement d’avoir retrouvé sur une brique ancienne cette inscription qui semble mystérieusement lui indiquer son devoir : « S’ils te mordent, Morlet : » en caractères glozéliens faciles à déchiffrer.

On s’est demandé avec étonnement ce que signifiaient de petites figurines, représentant une jeune fille endormie, retrouvées à Glozel ; il s’agit là d’un cadeau d’étrennes en usage jadis chez certains anthropophages. La veille du Jour de l’An, la mère faisait cadeau à son fils d’une jeune fille qu’il épousait jusqu’au lendemain et, le lendemain, on faisait cuire la jeune fille en civet ou à la broche pour un repas de noces auquel on conviait toute la famille ; c’est l’origine de ce qu’on appela plus tard « le repas de corps ».

Ce qui étonnait cependant les archéologues, c’était de ne point retrouver dans les fouilles de Glozel un cadeau d’étrennes qui fut de tout temps en usage ; soit un char romain, soit un de ces somptueux carrosses qui tenaient jadis, sur la chaussée, le juste milieu, en éclaboussant les badauds. Sans doute, la pièce était-elle trop volumineuse pour cette modeste collection, car on trouvait surtout des anneaux, des bracelets et de petites statuettes votives.

Toutefois, le jour même où la Commission archéologique internationale visita les fouilles de Glozel, Miss Garrod, déléguée d’Oxford, poussa un cri de triomphe : à la lisière du champ sacré des Fradin, émergeant de la glaise où elle était enlisée, apparut une splendide voiture qui représentait évidemment le plus beau cadeau d’étrennes que l’on put rêver.

Cette voiture appartenait de toute évidence aux fouilles de Glozel. Seuls en effet, des chemins de terre impraticables conduisent aux fouilles de Glozel et tous les touristes, venu de Vichy, avaient dû laisser leurs voitures à quelques kilomètres de là, sur la grande route. Très émue, la Commission entoura tout aussitôt cette stupéfiante découverte, mais elle ne put l’admirer longtemps.

Sans que l’on put comprendre comment, à la suite d’un démarrage puissant et foudroyant, la voiture se dégagea de la glaise et s’en fut à toute allure, à travers champs, souple et rapide, dans la direction de Vichy. Une 12 cv Hotchkiss ! Une 12 cv Hotchkiss ! s’écrièrent en chœur les membres de la Commission qui, du premier coup d’œil, avaient reconnu la célèbre marque. Nul doute n’était désormais permis lorsque l’on sait que la Hotchkiss est une voiture française fabriquée à Saint-Denis. C’était la dernière page des vieilles chroniques de Saint-Denis qui venait contresigner l’authenticité des fouilles de Glozel et démontrer, une fois de plus, que l’on se trouvait en présence d’une collection ancienne réunissant les plus beaux cadeaux d’étrennes que l’on ait pu faire à toutes les époques.

(1) A ce sujet, lire le témoignage de J.-H. Rosny aîné : Pierre Lagarde, « Chez l’auteur de “Vamireh” », in Les Âges farouches de J.-H. Rosny aîné, Bibliogs, 2016.

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