Hector Ghilini – Quand le feu de Dijon se verra de Paris (Anticipation) (1922)

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« Quand le feu de Dijon se verra de Paris (Anticipation) », d’Hector Ghilini, est paru dans L’Intransigeant du 30 janvier 1922, ainsi que Le Figaro du 30 janvier 1922.

Ce texte était prévu à la suite de Les Hommes agiles (Grand roman d’aventures et d’anticipation), mais faute de place… Bref, le voici :

Quand le feu de Dijon se verra de Paris (Anticipation)

Comment s’effectuera, dans quelques années, un voyage aérien de nuit.

Nous sommes en 1924…

Une horloge tinte dix coups quand nous arrivons au Bourget. Nuit noire. Sur le terrain, des points lumineux autour de l’avion qui nous attend.

On nous conduit aussitôt. Nous voilà dans les confortables sièges du wagon aérien. La porte est refermée.

Nous entendons des paroles étouffées à travers les vitres. Essence, contact, démarrage, envol.

L’avion éteint ses phares. Maintenant, il prend de la hauteur. Mon compagnon de route n’est autre que M. Laurent Eynac.

Nous allons à Dijon.

Depuis 1923, le service Paris-Constantinople fonctionne de nuit… Avec nous, quelques commerçants que leurs affaires appellent en Europe orientale.

— Qui eût dit, il y a deux ans, que les voyages aériens de nuit dussent se réaliser si rapidement ?

— C’était à prévoir, répond le ministre de l’air. Avec l’allongement des trajets, il était impossible de les effectuer entre le lever et le coucher du soleil. En outre, le passager aérien est devenu un homme d’affaires qui n’a pas de temps à perdre. Enfin, les conditions atmosphériques sont, presque toujours, surtout l’hiver, plus favorables de nuit que de jour… Mais voici notre guide… Regardez !…

En avant, un peu à, droite, très au loin sur l’horizon, un éclair a jailli, mince,mais net.

Quelques secondes ; puis de nouveau, la lumière blanche perce la nuit.

— Le phare aérien de Sainte-Affrique, le plus puissant du monde !…

Voilà donc cet engin merveilleux dont on avait tant parlé et qui a une puissance de un milliard de bougies.

Au fur et à mesure que notre avion se rapproche, le feu de Dijon se précise et son panache blanc caresse maintenant tout un coin du ciel sombre.

Près de moi, la voix de M. Eynac m’explique :

— Les voyages de nuit ont nécessité le jalonnement des routes aériennes. Tous les quatre cents kilomètres, environ, nous avons placé des phares à très grandes puissance, et celui de Sainte-Affrique dépasse de loin tous les phares construits à ce jour. Le feu aérien de Dijon lance ses éclairs verticaux et inclinés, dans un rayon minimum de 150 kilomètres. Par temps clair, comme cette nuit, on le voit de plus loin. Nous l’avons aperçu en prenant de la hauteur, dès notre départ. Si vous étiez à côté du pilote, vous auriez vu le pinceau lumineux des phares intermédiaires qui jalonnent la route tous les 75 kilomètres environ. Leur portée est moindre ; une vingtaine de kilomètres. Quant aux terrains, vous allez voir celui de Longvic-lès-Dijon, où nous allons arriver tout à l’heure.

Maintenant, la gerbe immaculée du géant des phares balaie magnifiquement le dôme sombre du ciel. Droit sur elle, nous piquons.

— Si nous étions montés plus haut au départ, continue M. Eynac, nous aurions pu apercevoir, peut-être, le phare anglais de Lympne, que l’aéronautique britannique a fait installer pour les voyages nocturnes Paris-Londres…

— Dans ces conditions, du haut du Mont Blanc on doit apercevoir le feu de Dijon ?…

— Parfaitement. Et, par transparence exceptionnelle, et à une très grande altitude, il s’apercevrait probablement de la Manche ou de la Méditerranée…

Je colle mon visage à la vitre. Le terrain de Longvic s’approche très vite, avec sa lettre Z lumineuse de l’alphabet Morse. Le T d’atterrissage indique un vent du nord très faible. Plus loin, au sud, les lumières de Dijon. Un moment, le flamboiement du phare géant nous éblouit. Puis, l’atterrissage…

Ainsi, l’autre matin, avec M. Laurent Eynac, sous-secrétaire d’État à l’Aéronautique, nous devisions des futurs voyages aériens de nuit et de phares qui guideront bientôt, dans la nuit, les ailes des hommes volants (1).

 

(1) Hector Ghilini a aussi publié, dans L’Intransigeant du 17 décembre 1921, un article sur « Un train qui parle » : « Aussi la téléphonie sans fil, dont nous admirons journellement les progrès, permettra quelque jour un miracle plus surprenant encore. Entre les trains lancés à 100 à l’heure une conversation humaine s’établira, des phrases s’échangeront, et ainsi, guidés par la voix de l’homme, les monstres d’acier, parlant et écoutant, verront clair dans la brume et la nuit. Et il n’y aura peut-être plus alors d’accidents de chemin de fer… »

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