Irine (Irène Hamoir), L’Orichalcienne – Daily-Bul, coll. « Les Poquettes volantes » (1972)

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Irine (Irène Hamoir), L’Orichalcienne – Daily-Bul, coll. « Les Poquettes volantes » (1972)

C’est un livret à la couverture de carton rose-mauve, assez petit : onze centimètres sur treize et demi. Il ne fait que vingt-quatre pages. La collection des « Poquettes volantes » est bien connue des collectionneurs de livres d’art : créée en Belgique par le poète André Balthazar et le peintre et sculpteur Pol Bury, elle compte soixante-deux titres signés par des artistes contemporains tels que les peintres Pierre Alechinsky, Jacqueline De Jong, Jean-Michel Folon ou Roland Topor, les surréalistes belges Achille Chavée, Louis Scutenaire ou Paul Bourgoignie, et bien d’autres, de Joyce Mansour à Ronald Searle.

Parmi les surréalistes oubliés ou trop discrets, nombreux ont été depuis célébrés ou mis en lumière. Irène Hamoir (1906-1994) fait partie de ceux, heureusement de plus en plus rares, qui sont restés dans l’ombre. Il faut dire qu’elle a peu écrit. On retient d’elle surtout un recueil de nouvelles, La Cuve infernale (1944), un roman à clé, Boulevard Jacqmain (1957), et des poèmes dont l’essentiel a été recueilli dans Corne de brume en 1976. Dans le groupe des surréalistes belges dont elle est un des piliers, sa personnalité est souvent éclipsée par celles de René Magritte, qui a fait son portrait, ou de Louis Scutenaire, qui était aussi son époux.

Louis Scutenaire, Mes inscriptions 1943-194, Allia, 2007. Dessin d’Egon Schiele.

L’Orichalcienne est un recueil très court, comme tous les livrets de la collection, légers à s’envoler. Le titre est aussi intrigant qu’évocateur : qui est cette orichalcienne, quel est son rapport avec le métal précieux perdu de l’Atlantide ? Est-elle celle qui transforme le plomb du quotidien en alliage de cuivre doré ? Il faut consulter un dictionnaire théâtral de 1825 pour découvrir que le terme désignait les funambules ou danseurs sur fil de laiton.

D’entrée, la matière qu’elle trouve, c’est la terre, mais une terre « au goût de ciel ». Un ciel qui n’a rien à voir avec les promesses de la religion, mais avec celles de l’évasion et de la liberté. Les poèmes continuent d’osciller entre perceptions matérielles intenses, centrées sur la matière du quotidien (fromage, laine, plumage, ivoire), avec un accent porté sur les liquides (larmes, rosée, rivière…), et le rappel chromatique du ciel :

« Et bleue elle a vécu
Ce que vivent les bleues »

Remarquables aussi sont les figures féminines, associées à l’amour fou jusque dans la mort romantique et surréaliste, revendiquant la référence à Manzoni. Mais l’aspiration à l’infini ne semble pas faite pour elles :

« Ils savent que si elle traverse le pont et touche Aldébaran qui brille dans le ciel elle aura atteint le bonheur. […] La monture bondit si haut qu’il semble qu’elle touche l’étoile. Mais elle s’abat dans le fossé écrasant sous elle la femme folle aux jupons de dentelle. »

Et ailleurs, un nom de personnage énigmatique, Embeledo Garnero, peut se lire comme l’anagramme de « boomerang de réel ». Le réel ne se rappelle que trop durement aux rêveurs… Mieux vaut savoir rester humble et voir petit :

« Particulière échangerait vie-grand large
Contre vie-giroflée »

Aussi lucide que sensible, Irène Hamoir, Irine en poésie, reste aussi discrète que flegmatique.

« Elle n’est pas de celles qui sourient ou font la pintade. »

L’intégralité de ce recueil a été traduit en anglais sous le titre « The Highwiress » par le poète australien John Gallas dans 52 Euros (Carcanet, 2013), avec des traductions de poèmes d’Anna Akhmatova, Karin Boye, Charles Baudelaire, R. F. L. Dehmel, Amalia Guglielminetti, Else Lasker-Schüler, Jules Laforgue, Maurice Maeterlinck et bien d’autres.

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