Jean Castine – Les Débuts d’un savant (1898)

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« Les Débuts d’un savant », de Jean Castine, est paru dans Mon Journal n° 48 du 27 août 1898. La signature de l’auteur des illustrations est, hélas, peu lisible…

Les Débuts d’un savant

Ah ! c’était un fameux savant, que le savant Silvergoldsmithson, docteur de la faculté de Philadelphie, connu du monde entier, surtout à cause de la difficulté qu’on avait à prononcer son nom.

Silvergoldsmithson avait écrit d’énormes volumes, que personne n’a jamais lus, que personne ne lira jamais, mais qui n’en sont pas moins très remarquables.

Ce qui avait mis le comble à sa réputation, c’était d’avoir prétendu qu’il était possible de comprendre le langage des bêtes, et d’avoir déclaré que lui, Silvergoldsmithson, écrirait la grammaire de toutes les langues de tous les animaux.

Oui, si votre chat faisait « mia-ou ! » ou si votre chien faisait « ouah ! ouah ! » Silvergoldsmithson vous disait aussitôt :

« Mon ami, votre chat affirme que le lait est tourné… » ou « votre chien redemande du rôti. »

Pour terminer ses remarquables études, Silvergoldsmithson décida un jour de partir pour les forêts de l’Afrique Centrale afin de pénétrer plus avant les secrets du rugissement du lion et du cri du perroquet.

Mais comme le grand Silvergoldsmithson n’ignorait pas que le lion est d’un abord difficile, il se fit construire la plus étrange voiture qui se puisse imaginer, pour pénétrer sans danger dans l’intimité du roi des animaux.

Cette voiture se composait d’une immense cage à roulettes, à l’intérieur de laquelle les chevaux trottaient à l’abri des coups de griffes. Lorsque les fauves s’approchaient un peu trop, Silvergoldsmithson, qui aimait à rire, les taquinait du bout de son parapluie.

Au bout d’un mois, le docteur parlait la langue féline comme le premier lion venu ; au bout d’un an, il était à tu et à toi, et sortait avec tous les animaux de la création.

Or un jour, son meilleur ami, le lion, lui demanda à brûle-pourpoint :

« Silvergoldsmithson, que font les lions, les tigres, les éléphants, qui vont dans ton pays ?

— Ils font des exercices dans les cirques. »

Et le savant de Philadelphie expliqua ce que l’on entend par un cirque.

« Ah ! ah ! fit le lion… Il faut alors que tu nous montres le jeu du cirque, puisqu’il est si amusant ! »

Silvergoldsmithson fit la grimace, mais le lion le regarda de telle façon que le malheureux n’osa pas protester… Il commença le soir même.

Ah ! il eut un beau succès. Toute la forêt était là ! Et est-ce la peur qui lui donna une agilité extraordinaire ? toujours est-il que le débutant creva des cerceaux et fit de l’équilibre sur une boule comme un vrai clown.

Bref, il amusa si bien son public que le lion le garda pendant deux ans, sans vouloir lui rendre la liberté.

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