Publicités trouvées dans un classeur de lainages (2)
Dans ce classeur de lainages, le premier propriétaire avait trié soigneusement les publicités récoltées par taille et par compagnie, mais il n’avait apposé aucune note explicative. Certaines sont devenues difficiles à tracer aujourd’hui alors qu’elles semblent florissantes avant la Seconde Guerre mondiale. C’est le cas de La Compagnie Française des Tissus située à Lille. Le domaine n’est pas de ma spécialité et si j’ai creusé la piste lilloise, je ne me suis pas aventurée sur les empreintes laissées dans les autres grandes villes (Marseille, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Limoges et Paris).
La succursale de ce négoce du tissu se trouvait à l’adresse 52-54-56 rue de Paris, dans le centre de Lille, depuis avant la guerre de 14-18. Par chance, à la suite d’une quête un peu insensée, une carte postale aux alentours de 1918 montre la rue des Ponts-de-Commines dévastée et, dans l’arrière-plan, la rue de Paris et le commerce indemne. Après une exploration des cartes satellites de Google, j’ai eu le plaisir de découvrir le lieu aujourd’hui, enfin, il y a quelques années, en 2008. L’édifice qui abritait la compagnie et celui à sa droite ont soit été reconstruits soit sérieusement remaniés, mais les autres bâtisses flanquant l’emplacement sont les mêmes depuis le lendemain de la Première Guerre mondiale, et probablement depuis le début du XXe siècle.
La Compagnie Française des Tissus proposait du fil, de la mercerie et des étoffes, bien sûr, mais aussi des articles confectionnés : bonneterie, chemiserie et chapellerie. Les négociants, en 1930, luttaient férocement contre la concurrence et la pratique du crédit. Les publicités insistent sur la qualité des produits de la maison et rappellent à leurs clients, haut et fort, les méfaits de l’achat à crédit. Leur campagne associe les dames de leur clientèle pour un concours qui inspire un texte sous images, le « Concours des Belles Images : Acheter à crédit, c’est courir à la ruine ». Des images qui seront éditées par la compagnie elle-même, sans que le dessinateur soit crédité. Au dos, des devinettes illustrées prisées à l’époque, dont l’énigme est résolue dans le motif caché du dessin. Comme on peut le constater, les clientes n’étaient pas moins morales et attachées aux valeurs de leur fournisseur.
Quoique le tract suivant ne soit pas nominatif à un quelconque commerce ou à une manufacture lilloise, le sujet, l’achat à crédit, rejoint la grande campagne orchestrée par La Compagnie Française des Tissus. Il fut distribué à la même époque, mais emploie un trait nettement plus moderne destiné à frapper les imaginations.
Lorsqu’elle ne faisait pas campagne, La Compagnie Française des Tissus distribuait des publicités classiques d’après l’imagerie d’Épinal. Les fonds ne devaient pas manquer puisque les imprimés étaient commandés directement à l’un des éditeurs-imprimeurs les plus prestigieux, l’Imagerie Pellerin. Farces, contes, histoires morales, le contenu ne dépare pas des récits habituels mis en scène. Les images ne sont pas plus signées hormis « Les bonnes farces » paraphées Camouche, un illustrateur maison, insaisissable comme beaucoup à l’époque. Sans date, les imprimés proviennent également des années 1930.