La Comtesse était en pleurs par Nelly Chadour : massacre pour un mouchoir en dentelle

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Les aventures de Diane d'Aventin : La Comtesse était en pleurs, par Nelly Chadour. illustrations d'Artoupian. Le Carnoplaste, 2016.

Diane d’Aventin revient dans La Comtesse était en pleurs !

Quand j’entame un récit publié par Le Carnoplaste, sous de pétulantes couvertures, je l’entrouvre d’abord pour vérifier qu’il ne va pas m’exploser au nez comme le bouquet final allumé par un artificier plein de malice. Certes, les histoires ne démarrent pas toutes par un massacre ; chez Harry Dickson, les morts, plus solitaires, reposent dans un bouge londonien en attendant qu’on les lève de leur bière. Cependant, si dans La Comtesse était en pleurs, la jeune mariée de Nelly Chadour peine à devenir une veuve sanglante, ses aventures ont tendance à éclabousser dès le premier paragraphe.

Ma méfiance n’était pas vaine, croyez-moi. Dix-huit mois plus tôt, j’avais quitté Diane d’Aventin dans une catastrophe souterraine au cœur d’Amsterdam, sa troupe de bras cassés dispersée bien qu’elle ait, avant cela, sérieusement endommagé un réseau enterré près des canaux et mis à mal la moitié des spadassins de la ville ainsi que leurs abominables commanditaires. Hier soir, à peine le titre du chapitre lu — Hic jacet lupus… allons donc lever le loup à défaut du lièvre —, l’époux de la belle déchaîne l’enfer sur Terre dans un château, la veille de Noël. Le couple maudit voyage en direction de Rome où le Comte de Wolfenbach ourdit un complot sanguinaire qui décimera avant l’an neuf quelques familles ayant pignon sur les collines depuis l’Antiquité. Autant dire qu’en refermant le fascicule au dernier mot, je haletai encore après la course effrénée.

Trash, alors, cette aventure ? Non. Je l’affirme résolument, car je ne suis pas friande du genre gore et celui-ci n’en fait pas partie. Par contre, La comtesse était en pleurs entre sans difficulté dans la catégorie des grands récits d’aventures fantastiques et d’action. La démesure est de mise : foin de subtilités psychologiques ou de réalisme tatillon, le verbe est cru, les combats violents, les péripéties époustouflantes, les personnages hauts en couleur. Le diable à ses trousses, l’ancienne esclave Apollonia demeure mon caractère favori, probablement parce qu’elle est la plus torturée, au propre et au figuré. J’ai un faible pour sa partie de dialogue mâtinée de mots étrangers, cette manchote est polyglotte en plus de converser avec une âme damnée. Cependant, avant d’achever le roman, chacun trouvera héros ou héroïne à son goût, croisant les doigts pour qu’il ne soit pas occis en cours de route. Mesdames, vous qui passez ici, tentez La Comtesse était en pleurs, les donzelles en détresse jouent d’atouts inédits qui vous enchanteront, et il ne s’agit pas de mouchoir en dentelle et de plainte murmurée, plutôt d’une cervelle et d’idées qui la traverse. Mais les messieurs peuvent se lancer aussi, ils ne sont pas dédaignés et apprécieront leurs bouillantes incarnations.

Si l’intrigue laisse peu de doute sur son issue mortelle pour les malheureux balayés par la tourmente de Diane, l’aisance d’écriture de Nelly Chadour, flamboyante — quand elle était tout en émotion dans une nouvelle que je connais bien, « D’encre et de regrets » (nouvelle in Bestiaire humain, Bibliogs) —, emporte le lecteur à mille lieues de notre morne réalité, en des contrées sauvages où il fait bon mourir… puisque la fiction nous permet de ressusciter après le mot fin. Voilà un fougueux roman d’une revigorante distraction !

Note : La Comtesse était en pleurs est la troisième aventure de Diane d’Aventin, elle peut néanmoins se lire séparément des précédentes… quoique, ce serait dommage de se priver du commencement de son histoire, offrez-vous la série. Un quatrième viendra achever les survivants en 2018… et désormais on peut se les procurer sur le site du Carnoplaste ou sur le site des Moutons électriques, qu’on se le dise !

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