La petite clé d’or ou les Aventures de Bouratino d’Alexis Tolstoï : Un Pinocchio russe

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La Petite clé d’or, ou les Aventures de Buratino, La Farandole 1956, illustrations d'Aminadav Kanevskiy.

La petite clé d’or ou Les aventures de Buratino (1935, Золотой ключик, или Приключения Буратино) par Alexis Nikolaïevitch Tolstoï (Алексей Николаевич Толстой), sous le nom d’Alexéï Tolstoï.

 

La Farandole, collection Jour de fête, février 1956, traduction de Natha Caputo, illustrations d’Aminadav Kanevskiy.

 

Alexis Nikolaïevitch Tolstoï, timbre postal de 1958.

Alexis Nikolaïevitch Tolstoï fait partie de la célèbre famille russe par la porte de service. Né d’un autre homme à la fin de l’union de sa mère avec l’un de ses représentants, il conservera le nom, mais s’adaptera au régime bolchevique dont il deviendra un personnage officiel. Des trois écrivains portant le nom (Lev Nikolaïevitch Tolstoï (1828 – 1910) et Alexis Konstantinovitch Tolstoï (1817 – 1875), il est le moins prestigieux dans la littérature et pourtant, il a laissé une empreinte considérable sur la société russe. En grande partie grâce à l’adaptation qu’il fait, en 1935, des Aventures de Pinocchio, le roman de l’italien Collodi.

Plus qu’une adaptation, il s’agit d’une réécriture d’une partie du récit original. Alexis Tolstoï conserve l’aspect exotique du panorama italien en transformant et ajoutant des éléments typiquement russes. Pour explorer les ressemblances, les différences et les parallèles de l’inspiration de Alexis Tolstoï — l’Université de Grenoble proposait un document intéressant au format .pdf, Bouratino, le Pinocchio russe, exemple d’adaptation transculturelle, par Laure Thibonnier (ILCEA), l’accès en a été supprimé. Cette version connaît un succès populaire immédiat et durable depuis sa parution, au point d’être désormais intégrée dans le folklore traditionnel, déclinée en jeux, dessins animés, films cinématographiques et tous les dérivés que l’on peut imaginer.

Aelita, édition originale russe, 1923.
Ibiscus, édition russe originale en volume, 1925.

Il faut noter qu’Alexis Tolstoï est également l’auteur d’un célèbre roman de science-fiction, Aelita (1923, Аэлита) adapté au cinéma l’année suivante par Yakov Protazanov, et d’un autre récit moins connu, L’hyperboloïde de l’ingénieur Garine  (1926, Guiperboloïd injenera Garina). Alexis Tolstoï est aussi l’auteur des Aventures de Nevzorov ou Ibikus  (1923-25, Pokhojdenia Nevzorova ili Ibikous). Ce roman satirique a été adapté avec succès en bande dessinée par Pascal Rabaté sous le titre d’Ibiscus  aux éditions Vents d’Ouest, quatre albums de 1998 à 2001 : sous le signe du crâne qui parle, une vieille Tzigane prédit au médiocre héros un destin extraordinaire.

Album publié en U.R.S.S., 1956, couverture reprise de l’édition originale, illustrateur non connu.
Album publié en U.R.S.S., 1956, page de titre, illustré par Aminadav Kanevskiy.

La petite clé d’or ou Les aventures de Buratino  paraît en 1956 à La Farandole. Il s’agit de la traduction d’un album paru la même année (il est mentionné une publication en 1950, sans trace, peut-être une erreur) en U.R.S.S. Les illustrations sont extraites de l’édition russe, excepté la couverture, une reprise de l’album paru en 1935. Flammarion préfère utiliser une image inédite de l’artiste A. Kanievski, ou Aminadav Kanevskiy (Аминадав Моисеевич Каневский) (1898 — 1976). C’est un illustrateur ukrainien dont on peut admirer le travail sur ce site (en russe) : Аминадав Моисеевич Каневский.

Roule Galette, écrit par Natha Caputo pour Flammarion.

Natha Caputo (1904 — 1967), née Nathalie Bernstein, la traductrice, n’est pas moins réputée. D’origine russe, née en France, elle adapte, elle aussi, des contes entendus dans son enfance dont le très célèbre Roule Galette  chez Flammarion dans les albums du Père Castor. Ce sont sous ces auspices généreux qu’est publié ce bel album cartonné au dos toilé rouge. En grand format, il compte 118 pages, dont une quinzaine d’images en pleine page, sans oublier les dessins dans le texte, toujours en couleurs. Il m’est impossible de certifier que le texte est fidèle à l’original, qui après tout était lui-même une adaptation, mais le récit est agréable, enlevé et restitue cette ambiance russe faussement italienne. Les illustrations sont évidemment un reflet parfait de l’imaginaire russe.

 

Dans son avant-propos, Alexis Tolstoï affirme avoir lu le roman de Carlo Collodi quand il était enfant. Pourtant, il apparaît qu’il n’a pas pu le lire avant la première traduction publiée en Russie, dans une revue enfantine, alors qu’il avait vingt-trois ans (voir l’archive de l’Université de Grenoble). C’est déjà une version romancée qui commence dans cet avertissement. L’écrivain, imprégné du récit italien qu’il a traduit dix ans plus tôt, a sans aucun doute été séduit par les interprétations qu’il pouvait en tirer pour le jeune public russe. Si le début du roman est semblable, il diverge rapidement dans les événements et les personnages. Le directeur du théâtre de marionnettes prend un rôle essentiel, la fée bleue disparaît au profit d’un pantin en fuite, etc. Ils sont modifiés à l’image des contes traditionnels qui ont fait les premiers succès de jeunesse de l’écrivain. C’est probablement cette fusion d’aventures à l’allure exotique, s’éloignant du contexte troublé, et de tradition fermement ancrée dans l’imaginaire populaire qui va procurer au héros de bois, Bouratino, la célébrité toujours d’actualité.

AVANT-PROPOS

Quand j’étais enfant, il y a de cela très, très longtemps, je lisais un livre qui s’intitulait : Les Aventures de Pinocchio, poupée de bois. (En italien, une poupée de bois s’appelle bouratino.)
Souvent je racontais à mes camarades, filles et garçons, les captivantes aventures de Bouratino. Mais comme le livre s’était égaré, je faisais chaque fois un récit différent, inventant des péripéties qui n’existaient pas dans le texte initial.
Aujourd’hui, après bien des années, je me suis souvenu de mon vieil ami Bouratino et j’ai pensé à vous raconter, fillettes et garçonnets, la merveilleuse histoire de ce petit bonhomme de bois.

Aléxeï Tolstoï.

Pour nous, lecteurs modernes et français, La petite clé d’or est une variation étonnante et attractive, un épisode alternatif de Pinocchio, différent de l’enfant mené vers l’âge adulte campé par Carlo Collodi. Plus affirmé, malgré ses défauts, Bouratino conduit ses compagnons vers un accomplissement commun.

 

Анатолий Елисеев

Le roman a été réédité plusieurs fois à l’identique chez Flammarion, il est actuellement disponible dans une nouvelle édition chez Gautier-Languereau (2007). Et pour explorer le monde russe de Bouratino, je termine en vous proposant quelques liens cinématographiques :

Золотой ключик

Приключения Буратино (1959)

Et quelques images d’autres éditions russes modernes.

Александр Николаевич Кошкин (1959 – 2012)

Анатолий Елисеев (1930)

Александр Николаевич Кошкин

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