Mardi-Gras a vécu, et s’il y a bien peu de festivités folles aujourd’hui, ce n’était pas tout à fait le cas à la fin du XIXe siècle. Des bals absurdes ou déchaînés étaient organisés par des personnalités du Tout-Paris, dans une atmosphère parfois très populaire. Un article du Monde Illustré du 31 janvier 1891 vous convie à la fête très « fin de siècle ». Une expression toute fraîche pérennisée à l’époque et qui lui a largement survécu.
« Le bal des Incohérents
C’est un des plus curieux épisodes de la vie joyeuse à Paris, que ce bal annuel organisé par les soins de M. Jules Lévy, le grand pontife de l’incohérence.
La fête qui, cette année, a eu lieu aux Folies-Bergère, était précédée d’une représentation théâtrale qui sous la forme d’une revue ultra-fantaisiste a réjoui les assistants conviés à l’applaudir, et a remporté un vif succès.
On y voyait, entre autres choses divertissantes, nos confrères Becque et Bergerat brandissant des couteaux en chantant :
Il nous faut la peau de Francisque,
La peau de Francisque Sarcey.
Après le spectacle, les danses ont commencé et l’œil était ébloui par le nombre et la variété des costumes extravagants ou originaux que l’on avait arborés. Il serait impossible d’en énumérer le détail, mais l’amusant dessin de M. Mesplès donnera une idée très juste de ce grouillement bigarré, de cette orgie de couleurs bien faite pour tenter le crayon et le pinceau et constituant un tableau tout à fait “fin de siècle”, pour employer la pittoresque et très typique expression du jour. »
Pour se mettre dans l’ambiance, Jules Lévy, écrivain, était un membre du club littéraire, « Les Hydropathes », ceux que l’eau rend malades (alias « Les Incohérents »), Henri Becque et Émile Bergerat dit Caliban étaient des dramaturges et poètes, le second étant le gendre de Théophile Gautier. Et bien sûr, Francisque Sarcey était un critique littéraire.
J’aime bien les petites histoires déraisonnables de la littérature…