Les Conquérants du feu et autres récits primitifs de J.-H. Rosny aîné, présenté par Fabrice Mundzik

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Les Conquérants du feu, et autres récits primitifs de J.-H. Rosny aîné, dir. par Fabrice Mundzik, couverture de Melchior Ascaride.

Lorsque l’on ouvre l’anthologie d’un écrivain aussi prestigieux que Rosny aîné, première, qui plus est, d’une série de trois, il est un peu normal d’être craintif. Que pourrait-on découvrir sur cet auteur, célébré depuis plus de cent ans, dont les fameux romans préhistoriques ont été publiés sans relâche, adaptés plus qu’à leur tour en bandes dessinées et même au cinéma ? Il fallait un passionné, un amateur de récits d’avant l’Histoire, de vieux papiers et un amoureux des mammouths, pour démontrer que peu avait finalement été dit, qu’on avait surtout répété, et beaucoup restait ignoré à propos de ce romancier fécond, imaginatif et ambitieux.

Dans sa préface, Fabrice Mundzik mobilise immédiatement l’attention du lecteur, par l’enthousiasme communicatif avec lequel il explique sa démarche et sa passion pour l’auteur et son univers. Sans chercher à rendre académique son propos, et pourtant sans omettre aucune information ou source nette et précise, solidement référencée, il insuffle une irrésistible envie de partager le plaisir de ses découvertes. Inutile d’être spécialiste ou simplement connaisseur pour apprécier l’érudition dont l’anthologiste fait preuve? Il n’est pas non plus nécessaire de s’efforcer de suivre le cheminement de sa recension des textes, de leur ébauche, de leur réemploi au cours des différentes publications, pour comprendre la complexité de l’œuvre de Rosny aîné. La démonstration, pour brillante qu’elle fût, est limpide à l’œil de l’amateur néophyte, le savoir est transmis sans difficulté par le conteur tout au bonheur de communiquer en partageant son analyse originale. Avec le préfacier, on découvre un écrivain différent, éloigné de la figure traditionnelle véhiculée par les éditions successives de ses romans préhistoriques, qui le cantonnent dans le public au rôle trop étroit d’auteur d’une seule thématique, même si celle-ci fut un succès.

Après cette belle préface, entamer la lecture des vingt-huit récits et textes recueillis prend une dimension supplémentaire. D’abord par la révélation des facettes inconnues de Rosny aîné, de ses opinions, de ses représentations mentales, qui évoluent au fil de sa maturité et des progressions de la société à l’aube du XXe siècle. À leur suite, et c’est mon seul regret qu’il n’y en ait eu qu’une seule — un regret superfétatoire je l’admets bien sincèrement — une parodie d’Ernest La Jeunesse révèle les amusements des littérateurs contemporains de l’auteur de La guerre du feu, tous peut-être pourvus de barbe digne, longue et bien taillée, mais ne négligeant ni l’humour ni la dérision souriante. Cette parodie, irrévérencieuse comme il se doit, m’a rappelé les portraits peu sérieux que brossaient les revues culturelles de la même époque, ou la réponse ironique de Rosny aîné, proféministe, à une interview de Georges-Anquetil, tout énervé de sa campagne équivoque pour la polygamie institutionnalisée qu’il engagea après le carnage de la Première Guerre mondiale. L’occasion de vérifier encore que le monde de la littérature ancienne n’a jamais été un univers austère et rébarbatif.

Enfin, en plus d’apprécier ces textes rares, parfois à peine publiés dans d’anciennes revues oubliées, et d’admirer le style vigoureux et imaginatif de son auteur, de se bercer de ses fameuses histoires de mammouths, de tigres à dents de sabre, d’hommes et de femmes vêtus de peau de bête, de grands drames à l’aube de l’humanité, on emprunte chaque méandre qui l’a conduit à réaliser les chefs-d’œuvre qu’on lui connaît. Dans le filigrane de ses récits, la volonté sous-jacente du romancier se précise d’écrire cette légende monumentale dont nous parle Fabrice Mundzik. L’anthologiste continuera d’ailleurs à nous l’offrir en exploration dans le prochain tome consacré à l’aventure humaine moderne (dans les années 1900, bien sûr !) qui donne tout son sens au titre de la série, « La Légende des millénaires », au cours d’un second tome, Le Trésor de Mérande, qu’il me tarde d’ouvrir… et justement, le destin revêtu d’un uniforme des services de livraison de La Poste a sonné ce matin, m’apportant ce deuxième volume aussi joliment illustré que le précédent, par Melchior Ascaride.

 

La Légende des Millénaires a depuis la parution de cette chronique trois tomes et bien d’autres volumes qui recouvrent la carrière de J.-H. Rosny aîné, parus aux Moutons électriques et chez Bibliogs :

Les Conquérants du feu et autres récits primitifs
Le Trésor de Mérande et autres récits d’aventures
Les Compagnons de l’univers

Fables antiques, et autres récits érotiques
Les Âges farouches de J.-H. Rosny aîné
La Puissance invincible de l’Inertie

Et n’hésitez surtout pas à découvrir le blog gigantesque, une créature énorme à l’instar du mammouth, son emblématique animal, que Fabrice Mundzik consacre à J.-H. Rosny, il suffit de cliquer le nom du romancier et vous voilà transporté au cœur des univers du romancier.

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