Marcel Roland – Le Soleil et Nous (1927)

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« Le Soleil et Nous », de Marcel Roland, est paru dans Le Siècle du 20 décembre 1927 ; ainsi que dans Paris-midi, à la même date.

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Le Soleil et Nous

Les savants d’aujourd’hui comme les astrologues d’hier constatent l’influence de l’Astre sur nos destins.

 Eh quoi ! mon ami, je vous vois la figure à l’envers ; est-ce parce que le soleil nous joue le tour de laisser refroidir notre globe en ce glacial décembre ?

— Non point, mais je viens de lire, par hasard, dans un journal de Vienne, la Nouvelle Presse Libre, un article d’un météorologiste, M. Nyrback… où il nous en apprend de belles sur le Soleil !

— Je connais ! Aux grandes convulsions du globe : guerres, révolutions et autres jeux des hommes, correspondent des périodes de suractivité de l’énergie solaire ?… C’est fort vraisemblable !… Et voyez la coïncidence ! Le docteur Maurice Faure, de Lamalou-les-Bains, vient de communiquer à l’Académie de Médecine, une statistique, propre à démontrer que dans les moments où les taches du Soleil passent à son méridien central (par suite de sa rotation, qui s’effectue, vous le savez, en 25 jours), le pourcentage des morts subites devient double de ce qu’il est normalement. Ces « taches », qui trahissent la fermentation de notre radiateur central, en quoi consistent-elles ? Les astronomes répondent : en cavités creusées dans l’enveloppe extérieure du Soleil, sur le milieu incandescent de la sphère, appelé « noyau ». Les taches seraient, selon ces messieurs, des ouvertures percées en profondeur sur le noyau, des cheminées de la grande forge, par où de véritables colonnes de feu viennent se tordre à la surface. Et voilà pourquoi… plus les taches sont nombreuses, plus il fait chaud sur la Terre. Bien ! Jusqu’ici, tout est naturel, et les virtuoses du télescope ont fini par se mettre d’accord sur cette théorie. Mais en quoi influent-elles, ces taches, sur la vie, la santé, la mort des humains ? That is the question.

— Depuis qu’on connaît les astres…

— Et ça ne nous rajeunit pas !

— Depuis qu’on connaît les astres, des docteurs à chapeau pointu leur prêtent des effets aussi vastes que mystérieux, mais c’est seulement de nos jours que des savants authentiques ont reconnu la vérité de cette action. Pas pour les mêmes raisons ! Les astrologues invoquent bien… des « effluves », des « fluides ». La science contemporaine nous dit ceci : le Soleil n’est pas simplement une sphère formée de gaz condensés et en ignition, c’est aussi un foyer électrique de la plus haute puissance, dont les ondes rayonnent à une distance… effarante, et se font sentir sur notre atmosphère et sur le noyau métallique de notre planète sous toutes sortes de formes, affolement des boussoles, aurores boréales, tremblements de terre, éruptions volcaniques…

— Chutes de ministères !

— De là à supposer que ce magnétisme agit sur nous-mêmes, pauvres hommes, il n’y a qu’un pas… un tout petit pas, eût dit le bon Labiche.

— Eh bien ! morbleu ! franchissons-le allègrement, ce petit pas ! Ça ne m’explique toujours point l’histoire des morts subites !

— Patience ! L’organisme humain est un équilibre… ou un défaut d’équilibre. Nos humeurs, notre système nerveux, notre circulation sanguine, tout cet équilibre est fonction de l’attraction universelle, de ce qu’on appelle « les forces centrales ». Vous souvenez-vous (mais non !) qu’un professeur de Belgrade, M. Stanoievitch, voici quelques années, établissait que ces forces agissent aussi bien sur le développement de nos cellules que sur les corps célestes et les atomes ? Cellules, astres, atomes, tout l’univers en mouvement n’est qu’équilibre, sous l’influence des radiations solaires. Or, d’après le docteur Maurice Faure, beaucoup d’entre nous, atteints d’une maladie chronique quelconque, vivent dans un état d’équilibre instable. Instable, mais enfin ils vivent, tant que leur milieu habituel se maintient à peu près égal. Modifier brusquement ces conditions, dans une proportion même légère (et c’est ce qui se produit quand l’état du Soleil provoque un trouble cosmique qui retentit sur les organes régulateurs de la vie) aussitôt le risque de rupture devient plus grand chez les malades latents. Une crise aiguë peut les emporter… l’urémie par exemple.

— Très gai ! Conclusion : Se mettre à l’ombre ! Mais devons-nous aussi nous abriter des planètes ? Verlaine se prétendait né sous le signe de Saturne. Et que de douces mortelles aspirent au signe de Vénus !

— Ici, mon ami, les mages reprennent leurs droits. La Science n’a que faire de leurs suppositions…

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