Maurice Carême, La Cage aux grillons – Bourrelier (1960)

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Maurice Carême fait partie des poètes chéris des écoles, dont tout le monde a appris un ou deux poèmes. Son succès auprès des enseignants et des enfants se poursuit sans paraître s’essouffler, traversant quelques générations maintenant, exploit suffisamment rare pour être souligné. Ses recueils de poèmes continuent d’être réédités. En Belgique comme il se doit, la Fondation Maurice Carême assure la réédition de Contes pour Caprine, La Lanterne magique et Mère suivi de La Voix du silence (sous format numérique). En Suisse, l’Âge d’homme a tenu à rééditer ses Souvenirs, le roman Médua, les recueils Être ou ne pas être, Du ciel dans l’eau, Le Jongleur, plus récemment Fables. Et en France ? Exceptées quelques louables initiatives de musiciens, d’illustrateurs ou de traducteurs, rien de notable. L’Oiseleur et autres poèmes, une anthologie chez Gallimard parue en 2014, ne vient combler que très imparfaitement ce manque.

Pour ouvrir La Cage aux grillons, il faut alors revenir aux premières éditions. Paru le 6 décembre 1959, le recueil est réimprimé le 1er novembre 1960 à Bruxelles, non loin d’Anderlecht où vit le poète, au 14 de l’avenue Nellie Melba. Détail aussi touchant que triste, il est dédié à Myriam Lobet, la fille de Marcel Lobet, née en 1944 à Anderlecht, à qui Jany Saint-Marcoux avait ausi dédié Les Chaussons verts en 1956, mais qui est morte en 1958.

Par leur rythme, leurs thèmes, leurs images, les poèmes gardent leur force sous leur douceur et leur simplicité. Certains accusent à peine une inspiration un peu forcée. Ce sont parfois des poèmes d’occasion : berceuses (« La gamme », « Le sommeil », « Lolito », « Dodo, ma poulette »), comptines (« Comptine aux bettes », « Ba, be, bi, bo, bu », « Comptine de la belle »), chansons pour la pluie, pour attendre le médecin (« La petite malade »). Une recette mêle rêve et amour dans un vin de lune.

Le recueil contient aussi un poème très populaire, car repris tous les ans pour célébrer la fête des pères. « Pour mon papa », est cratylien dans sa perception des mots, créateurs des sensations liées à leur signifié :

« J’écris le mot agneau
Et tout devient frisé :
La feuille du bouleau,
La lumière des prés. »

Plusieurs poèmes conjuguant la narration à la fantaisie rappellent les Chantefables et Chantefleurs de Robert Desnos : « Le chant du biniou », « Le nandou », « Les éléphants et l’araignée », « La carafe et le carafon », « Petit soleil d’hiver », « Merlin »… D’autres évoquent plutôt Prévert (« La feuille verte », « Dahlia et bégonia », « Les deux scarabées »). Certains sont de véritables fables (« Le renard »). Tous s’achèvent cependant généralement sur une notation descriptive qui déjoue toute résolution, ou sur une note mélancolique qui est la marque de ce poète.

On aura reconnu parmi ces titres certains des poèmes mis en musique par Francis Poulenc dans La Courte paille, avec d’autres poèmes tirés du Voleur d’étincelles (comme la sublime « Reine de cœur ») : le doux « Sommeil », l’irrésistible « Carafon », le pétaradant « Ba, be, bi, bo, bu ».


Mais la plupart sont consacrés aux animaux, qui prennent la place dominante. Chats, lapins, souris, escargots, oursons, agneaux, oiseaux de toutes sortes peuplent ces pages. Un bestiaire familier que les enfants peuvent regarder ou caresser. Ils sont parfois métamorphosés par l’imagination, s’ils ne sont pas simplement rapprochés d’autre chose : la girafe à la carafe, « Mon sourire est une souris ».

Le ver luisant suscite cette interrogation :

« Doux ver luisant,
Rosée du soir
Au vent dormant,
Pour quel enfant
Fais-tu pleuvoir
Ces pleurs de lune,
Ces fins miroirs
Que tu allumes
Dans le bois noir ? »

La Cage aux grillons défend et illustre le rêve et la création. Ces créatures et animaux qui n’existent pas, on n’ose y penser,

« Et tout à coup, tu vas les voir
Surgir, plus vifs que la lumière,
Sur l’écran noir de tes paupières. »

Les perceptions s’ouvrent à un champ infini d’expérimentations et de découvertes. Car après tout,

« Tout me paraissait naturel
Quand je l’ai rêvé, cette nuit. »

Magicien du verbe, Maurice Carême n’a pas fini de fasciner et d’éveiller les jeunes imaginations.

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