Remedios Varo, Cartas, sueños y otros textos – Era, 1997

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Édition Era, Mexico, réédition de 2002. Remedios Varo, Presencia inquietante, 1959.

L’artiste espagnole Remedios Varo demeure peu connue du grand public, tout en rassemblant une cohorte de plus en plus nourrie d’aficionados fascinés par l’invention poétique de ses toiles. Née en 1908, elle rencontre le poète surréaliste Benjamin Péret en 1936, qu’elle épouse et suit à Paris. Ensemble, ils fuient au Mexique, où elle fait la connaissance de Leonora Carrington, qui sera sa meilleure amie jusqu’à la mort de Remedios en 1963. C’est dans les années 1950 et 1960 qu’elle peint ses tableaux les plus connus. Dans des lieux embrumés, des personnages hiératiques emploient des machines jamais vues au mécanisme impossible. Parfois, des décors géométriques emplissent ces espaces, parfois les personnages sont soumis à d’étranges métamorphoses.

Encore moins connus sont ses quelques écrits, disséminés dans des catalogues d’exposition ou dans des archives privées. C’est pour cette raison qu’Isabel Castells a résolu de réunir en un mince volume les lettres, récits de rêves et textes littéraires déjà publiés ou inédits et fournis par son dernier époux, Walter Gruen.

Edition GF Flammarion, 1983. Leonora Carrington, Lepidoptherus, 1969.

Précédés par une longue introduction qui présente la poésie écrite de Remedios Varo, ces textes représentent à peu près 65 pages. Les lettres tirées de sa correspondance rappellent que Leonora Carrington s’est inspirée de Remedios Varo pour le personnage de Carmella dans Le Cornet acoustique :

« Carmella envoie, dans le monde entier, à des gens qu’elle n’a jamais rencontrés, des lettres qu’elle signe de toutes sortes de noms romantiques, mais jamais, bien sûr, de son patronyme véritable. […] « Depuis que j’ai dérobé, au consulat, l’annuaire du téléphone de Paris, j’ai élargi mon champ d’action. » […] Carmella me lut alors la lettre. Elle disait être une célèbre alpiniste péruvienne qui avait perdu un bras en essayant de sauver un petit de grizzly pris au piège au bord d’un précipice. » (Traduction d’Henri Parisot, Flammarion.)

Les véritables lettres de Remedios Varo ne déçoivent pas, qu’il s’agisse de la lettre où elle avoue écrire à des psychiatres sous la signature de Gradiva, de l’invitation à une réception, adressée à un inconnu pour qu’il essaie de deviner laquelle des invitées est sa mystérieuse correspondante, ou encore de la lettre d’un adepte du groupe des « observateurs de l’interdépendance des objets domestiques et de leur influence sur la vie quotidienne »… L’une des plus intéressantes est peut-être celle, adressée à un malheureux Mr. Gardner, où elle explique sa conception de la sorcellerie et décrit les expériences qu’elle mène avec Leonora Carrington, et qui consistent essentiellement en une savante disposition des objets suivant une symbolique cosmique. Tout aussi logiquement, elles construisent un « volcan » autour d’un filet de fumée apparu dans la cour. Elle n’est pas sans se mettre parfois à la place de ses destinataires. « En y réfléchissant bien, je crois que je suis plus folle qu’une chèvre », admet-elle…

Le texte humoristique « De Homo Rodans » a une importance particulière. Parodie de texte scientifique avec citations en latin de cuisine, anecdotes apocryphes et étymologies fantaisistes, le texte éclaire « l’inexplicable abondance de vertèbres lombaires ». Il accompagne une sculpture singulière, « Homo Rodans » réalisée en 1959 par l’artiste avec des os de volailles et des arêtes de poisson. Une sculpture d’autant plus étrange qu’avec sa colonne vertébrale recourbée en roue, la créature serait en fait incapable de rouler comme sur un monocycle. Preuve sans doute que chez Varo, la fonction esthétique prime sur la fonction pratique.

Le recueil comprend aussi un projet de pièce de théâtre, des notes pour d’autres projets, sa recette pour provoquer les rêves érotiques, des exemples d’écriture automatique, et enfin la transcription d’une dizaine de rêves. Tous ces textes montrent l’humour omniprésent et le goût de l’absurde de l’artiste, la liberté surréaliste et l’intérêt pour la magie et l’occultisme. Ils permettent de compléter l’image d’une artiste dont la personnalité reste pour beaucoup cachée par la perfection souvent glacée de ses tableaux. Une personnalité originale et attachante, qui mérite grandement d’être connue.

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