Robert Barr, Fantômes et Assassins, Rivière blanche, coll. « Baskerville Â» (2011)

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Illustration de Jean-Michel Ponzio. Editions Rivière blanche, 2011.

Si policier et fantastique ont beaucoup en commun – ne serait-ce qu’une atmosphère mystérieuse et inquiétante à partager –, ils savent aussi se mêler l’un à l’autre. Enquêtes et histoires de fantômes se conjuguent notamment dans les récits consacrés aux détectives de l’étrange rendus fameux sous la plume de W. H. Hodgson, Algernon Blackwood, Seabury Quinn, George Le Faure ou Jean Ray.

Pour autant, il est rare que le détective de ces fictions mi-policières, mi-fantastiques, soit lui-même un fantôme. Seuls me viennent à l’esprit le personnage de Cézard, Arthur le fantôme justicier, et bien entendu le héros du film Ghost, de Jerry Zucker, amené à découvrir que sa mort n’est pas seulement due à un cambriolage qui a mal tourné. Le volume que propose judicieusement Jean-Daniel Brèque dans l’excellente collection « Baskerville Â» vient à point nommé offrir à la fois un exemple parfait de ce cas de figure, et un précédent assez ancien (1893) pour en faire une découverte véritablement enthousiasmante.

Fantômes et Assassins réunit les récits fantastiques de l’auteur écossais Robert Barr (1850-1912), plus connu pour ses histoires policières, notamment celles qui mettent en scène le détective Eugène Valmont. Le recueil s’ouvre ainsi sur un court roman, « Le fantôme mène l’enquête Â», dont le titre shakespearien, « From Whose Bourne Â» rappelle de quelles bornes le personnage revient. En effet, le brave William Brenton, indisposé alors qu’il reçoit chez lui pour fêter noël, se couche plus tôt, puis se voit lui-même allongé. Il croit faire un mauvais rêve, mais lorsque sa femme arrive et découvre avec effroi le corps mort de son mari, le doute n’est plus permis : Will n’est plus qu’un fantôme ! Il peut voir et entendre ses proches sans pouvoir communiquer avec eux. C’est abasourdi qu’il découvre par voie de presse que non seulement sa mort est le résultat d’un empoisonnement, mais que sa femme, principale suspecte, a été arrêtée.

C’est pour faire toute la lumière sur son propre décès que Will se met alors au travail. Il peut compter sur l’aide d’autres revenants, plus expérimentés et astucieux, tout en suivant l’enquête d’un journaliste prometteur de Chicago, George Stratton, intéressé par l’affaire. Chapitre après chapitre, de retournements de situation en coups de théâtre, le récit progresse vers son dénouement inattendu, non dénué d’humour noir. Robert Barr met autant de talent à mettre en scène des défunts s’efforçant tant bien que mal de surmonter le handicap de leur spectralité, qu’à se moquer de ses personnages.

« Le fantôme mène l’enquête » est suivi de trois nouvelles, d’un texte de conseils d’écriture, et d’une bibliographie. « Le passager encombrant » est à la fois une histoire de fantôme et une intrigue financière, quand une compagnie transatlantique pense se tirer à bon compte de la mort accidentelle d’un passager non inscrit. « Le sablier » met à nouveau en balance droit légal et droit moral, à travers l’histoire d’un sablier défectueux, mystérieusement lié à la guerre de Succession d’Espagne. Enfin, « La vengeance du mort », dont la traduction avait déjà paru dans Le Visage vert de mai 2011, cache derrière un titre classique un récit original. D’abord à travers son personnage principal, aussi cupide que bête, qui garde même mort le caractère vindicatif. Et surtout parce que c’est en recourant à l’occultisme qu’un vivant permet à un esprit de prendre sa place dans son corps, un peu comme dans la nouvelle « Avatar » de Théophile Gautier.

 Avec ces récits bien menés, Robert Barr se montre un narrateur habile et exercé. Si le roman constitue le principal attrait de ce recueil, les nouvelles valent elles aussi largement d’être lues.

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