« Anticipation (À la manière de…) », article signé Roger Millaud, est paru dans Excelsior du 11 septembre 1936.
Il s’agit d’une anticipation sportive, thématique peu courante.
Anticipation (À la manière de…)
C’était le 17 août 1944, à Helsingfors, au lendemain des XIIIes Jeux olympiques. Avant que de rentrer en France, quelques journalistes et des entraîneurs de l’équipe tricolore s’étaient rassemblés, buvant ensemble le « coup de l’étrier ».
Il y avait là, entourant le commissaire du gouvernement, MM. Poulenard, Géo André, Pierre Lewden, René Mourlon, Henri Bernard, entraîneurs des athlètes. Dans un autre groupe, Paul Ruinart, Francis Pélissier et Lucien Michard, managers des cyclistes, discutaient avec M. Achille Legros, le nouveau président de l’U.V.F., depuis la retraite de M. Léon Breton.
— Quel chemin parcouru, mes amis, dit tout à coup M. Drigny, président du syndicat de la presse sportive. Quand on se souvient du désastre des Jeux de Berlin ! Vraiment, le sport français a bien changé en huit ans.
— En effet, nous sommes un peu moins ridicules, répondit le commissaire du gouvernement ; on peut même se déclarer très satisfaits. Récapitulons, si vous le voulez bien, les résultat obtenus par nos champions à ces XIIIes Jeux :
» Une cinquième place au 100 mètres. Pas de finaliste au 200, mais une troisième place au 400, grâce à ce Sénégalais que Mourlon nous découvrit par hasard à Marseille. Et quelle merveilleuse victoire au 1.500 ! Mon cher Poulenard, je vous félicite, sa foulée est aussi belle que celle du Ladoumègue d’autrefois. Au 5.000, nous avons eu deux finalistes qui se sont classés cinquième et douzième.
» Nous avons fait deuxième au Marathon. Dans les sauts, cela va beaucoup mieux. Quatrième en hauteur avec 2 m. 01, Ça, c’est l’œuvre de Lewden qui, du même coup, a perdu son record datant de 1925.
» Septième en longueur avec 7 m. 98. Nous sommes encore loin du record mondial qui est maintenant de 8 m. 65. 4 m. 18 à la perche, c’est également insuffisant : on en est à 4 m. 72 en Amérique, 4 m. 60 au Japon et 4 m. 53 en Allemagne. Sur les haies, nous avons fait des progrès, mais ils sont encore insuffisants. »
— Vous savez, dit Henri Bernard, notre retard était considérable, je n’ai pu obtenir mieux de nos athlètes.
— Je ne vous fais aucun reproche, mon cher Bernard. Tous les entraîneurs ne peuvent pas être aussi heureux que Lewden.
— À part les coaches de l’aviron, reprit le commissaire du gouvernement, je n’ai pas de félicitations spéciales à formuler pour les entraîneurs des autres sports. En cyclisme, notre triomphe fut complet, grâce à Michard qui nous a fabriqué un champion olympique de vitesse. Mais, enlever le « huit » et le skiff, Ça, c’est un succès !
— Mon cher Francis, dit tout à coup Paul Ruinart, à l’ancien champion de Bordeaux-Paris, vous êtes obligé de convenir que j’avais raison : les coureurs de votre club et du mien pouvaient très bien s’entendre. L’équipe nationale, il n’est rien de tel pour interrompre un moment les querelles de sociétés !
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Ruinart tenant un pareil langage… Cette impossibilité me réveilla brusquement.
Je n’avais fait qu’un rêve, un rêve merveilleux. Peut-on espérer qu’il se transforme en réalité ?