Satan conduit le bal, Georges-Anquetil, un essai, un journaliste méconnu

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Satan conduit le bal, un essai de Georges-Anquetil paru en 1925, réédition de 1932, Paris-Édition.

Un simple billet qui pose plus de questions qu’il n’y répond : un mémento à la mémoire d’un journaliste décrié.

Chaque fois que je tombe sur cette couverture, j’ouvre le livre : du mérite d’une devanture qui accroche l’œil. J’en lis morceau après morceau sans toujours bien comprendre la finalité de la démonstration, ancrée dans la réalité contemporaine de l’essayiste, une vision hyper journalistique, écrite au bouillon de surcroît. Satan conduit le bal a été vendu a des milliers d’exemplaires, réédité (mon exemplaire date de 1932 pour une édition originale en 1925), les autres essais tout aussi pamphlétaires et agités ont pour certains connus la même allégresse de vente, La Maîtresse légitime surtout, un Essai sur le mariage polygamique de demain.

Son auteur, Georges-Anquetil, était un avocat, devenu journaliste et directeur de revues, un homme de tempérament excessif, il me donne parfois l’impression d’être le positif de l’abbé Béthléem (ben oui, la soutane, c’est noir, pour une fois, démontons l’image à l’envers ^^). Un grand dénonciateur foutraque. Il distribuait les tracts et pourfendait les figures connues de l’époque, sans pour cela les traîner devant les tribunaux, son ire avait plus du feu d’artifice que du canon à boulets cramoisis. Bon, on va dire qu’il m’est plus plus sympathique que son alter ego en robe bien que ses opinions féministes prennent des chemins curieux. Notons que les organes imprimés de l’abbé n’étaient pas censurés ; dans Satan mène le bal, la réédition, Georges-Anquetil se complaît à rappeler par des pages vierges, mis à part l’avertissement de justice, qu’il a été condamné.

S’il écrit comme une tornade, accumulant digressions et anecdotes, poursuivant un lièvre pour s’écarter sur la piste d’un renard, barbotant avec délice dans des récits scandaleux, mélodramatiques ou horribles (qui retiennent l’attention un siècle plus tard !), il a une indéniable qualité : ses essais sont une mine de citations variées et pas toujours bien courantes. Lire Georges-Anquetil, c’est presque lire tous les auteurs depuis la deuxième moitié du 19e ! On lui reconnaît d’ailleurs une grande érudition.

Une autre facette de son talent (mais il était journaliste et devait savoir y faire), il apostrophe les plus grands écrivains de son époque et ces derniers lui répondent. Il recueille des critiques favorables ou non, des indignations réelles ou factices, bref, il fait tourbillonner le milieu littéraire et intellectuel. Alors pourquoi aujourd’hui, alors qu’on le trouve cité un peu partout dans les études des écrivains qu’il a entretenues, il n’y a aucune analyse sérieuse sur l’auteur ?

Après quelques recherches superficielles,  je l’avoue, mues par une curiosité moyenne, Wikipédia est étique [NDLR : article très augmenté depuis 2014], et l’article de lAlamblog, souvent détaillé, traite superficiellement le sujet, éclairé de quelques commentaires intéressants, mais c’est vrai qu’il traitait d’abord de la couverture. Au fil de maigres autres sources, il aurait été plus ou moins attaché aux milieux anarchistes ou socialistes, décrit comme un grand pendard avide de publicité, provocateur sans aucun doute, ce n’est pas simple d’avoir une idée plus pragmatique du personnage. L’essentiel court sur sa carrière vaguement esquissée et ses dates de vie, né en Seine inférieure en 1888, mort le 1er mars 1945 à… Buchenwald, ah oui. Alors pourquoi ? Mystère et boule de gomme, ce n’est pourtant pas anodin de finir sa vie dans un camp de concentration.

Et voilà comment j’ai encore perdu mon temps au lieu de sélectionner quelques autres condamnés aux encombrants* ! Par la faute de cette couverture. Pour la peine, une citation de Texier assortie à l’illustration et à la gloire de la sérendipité, sans repentir :

On entre, on crie,
Et c’est la vie ;
On crie, on sort,
Et c’est la mort !

Merci Georges-Anquetil.

 

* NDLR, billet rédigé en août 2014 au cours d’un rangement massif de livres accumulés en dépit du bon sens dont un (bien trop) ridicule pourcentage devait prendre le chemin de l’exil hors murs.

Deux commentaires furent déposés sur l’ancien site de l’A.D.A.N.A.P. :

Trouilleux27/08/2014 18:14
Bonjour, je viens de lire votre article concernant Georges-Anquetil. Je prépare la biographie de ce personnage bien compliqué… Pour ce qui concerne sa mort dans un camp de concentration, il semble qu’il fit partie d’un réseau de résistance… « Pas simple d’avoir une idée plus pragmatique du personnage » écrivez-vous. Tout à fait d’accord! Bien cordialement.

Dominique KALIFA06/03/2017 18:23
Georges-Anquetil mérite assurément qu’on s’intéresse à lui. Cet habile maitre-chanteur (sont activité principale) était surtout rendu possible par sa fonction d’indicateur à la Préfecture de police. Les journaux « bolcheviques » qu’il publie en 1917 (il est le premier) sont entièrement financés par la police. Voir son dossier aux APP. Il fut aussi un actif policier privé à la fin des années 1920, autre facette du chantage.

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