SRAM et la soucoupe volante, Pierre Dorsey & Maurice Pon, la science-fiction racontée aux enfants

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SRAM et la soucoupe volante, Deux enfants face aux extra-terrestres - Album 33 tours, 30 cm. Mirliton Productions Sonores MI303. Sans date. (1975)

 SRAM et la soucoupe volante : un album audio, raconté et musical, réalisé par Pierre Dorsey et Maurice Pon à la fin des années 1960

 

C’est un OVNI (Objet Volant Non Identifié) à plusieurs niveaux, le sujet bien sûr, mais également l’œuvre elle-même : il s’agit d’un récit original de science-fiction écrit pour les enfants des sixties, et elle fut réalisée dans le sud-ouest avec le concours de villageois, accent du terroir garanti.
Les auteurs sont deux personnalités du monde de la variété française. Pierre Dorsey, auteur-compositeur, et Maurice Pon, parolier. Tous deux sont demeurés discrets pendant leur longue carrière, Pierre Dorsey ne laisse aucune trace de sa vie privée, Maurice Pon est un peu plus connu. Le premier est resté dans les mémoires pour son adaptation en français de « Blowin’ in the Wind » (1962), de Bob Dylan, sous le titre de « Écoute le vent » en 1964, pour Richard Anthony, star glamour de l’époque. Le second est né en 1921 à Bordeaux, et parmi ses activités nombreuses dans l’univers de la production musicale, il est surtout célèbre pour ses collaborations avec Henri Salvador, un ami de longue date. Les deux auteurs se sont rencontrés dans le cadre de leurs professions, ils vont conjuguer leurs talents à la fin des années 1960 pour enregistrer plusieurs albums pour la jeunesse.
SRAM et la soucoupe volante a été pressé deux fois, à quelques années d’écart, dans deux formats, deux visuels et deux maisons de disques ; tous différents et sous deux titres pas tout à fait identiques. Dans les deux cas, les dates n’ont pas été précisées.
C’est dans la deuxième moitié des années 1960 que paraît pour la première fois l’album, à la Guilde Internationale du Disque, G.I.D. En fait un « club du disque » qui vend par correspondance et à la prime, extension en France des labels américains Concert Hall et Musical Masterpiece. Après un catalogue copieux de musique classique, G.I.D. crée une collection dite pédagogique, toujours dans ce répertoire classique, à l’intention des enfants « La Ronde des Enfants », en 1964. SRAM fut certainement conçu peu après, dans un objectif plus créatif et sur la foi de la réputation des deux auteurs. Il semble bien, d’ailleurs, qu’il fût prévu d’en réaliser des suites si l’on en croit le sous-titre porté sur le verso de la pochette : « 1er épisode ».
Pour lire plus de précisions sur la Guilde Internationale du Disque : Mon musée musical.

SRAM est donc d’abord écrit pour servir de cadre aux aventures de Jo Rafale, un reporter parisien gouailleur et enthousiaste, entouré de sa fidèle équipe, à la mode des journalistes qui, depuis les années 1920, bondissaient dans le train ou l’auto pour poursuivre l’information sensationnelle où qu’elle surgisse. C’est peut-être l’aspect un peu suranné de ces aventures qui explique le peu de cas fait à l’album. Les créateurs se souviennent de leurs émois d’enfants, ou désirent aller à l’encontre de la mode américaine contemporaine, leur histoire se démarque nettement des productions influencées par la science-fiction anglo-saxonne. SRAM doit plus aux publications du début du XXe siècle, comme Fantômas ou Rouletabille ou aux romans parus au Fleuve Noir dans la collection Anticipation, qu’aux « petits mickeys » qui ont envahi l’Europe après la Seconde Guerre mondiale.
Ce premier album est pressé en 33 tours dans le format intermédiaire, 25 cm courant à l’époque, accompagné d’un joli livret illustré, sans signature ni crédit, reprenant les textes.
Avec mes remerciements à l’ami Philippe Wadbled, incroyable pourvoyeur de galettes pressées, et fournisseur ici des visuels et de la découverte du premier album.

SRAM et la soucoupe volante, les aventures de Jo Rafale, 1er épisode – Album 33 tours, 25 cm, avec livret illustré. Guilde Internationale du Disque, GID M310. Sans date (1965-1970).

À peine quelques années plus tard, Maurice Pon crée un nouveau label, Mirliton Productions Sonores, des disques pour la jeunesse. Ce sont les années 1970, la période faste des enregistrements, les foyers sont presque tous pourvus d’un électrophone, les plus aisés montent leurs premières « chaînes » dans leur salon. Jamais le marché ne sera plus florissant y compris pour les petits, et l’on naître les collections à leur intention, reprises du folklore traditionnel, des contes d’antan ou adaptées des émissions télévisées de la désormais vénérable O.R.T.F. Sous ce label, Maurice Pon travaillera de nouveau avec Pierre Dorsey pour réaliser des adaptations chantées de contes classiques, La Belle au Bois Dormant ou Le Petit Chaperon Rouge, par exemple. Un troisième collaborateur, présent pour la réalisation de SRAM, les seconde encore, P. M. Garju, qui a en charge les effets spéciaux sonores, et avec lequel Maurice Pon réalisera un très amusant album chanté Aventure au saloon, western en chansons. Certains autres intervenants font aussi partie de l’aventure Mirliton, Caroline Perrault entre autres. Le nouveau producteur put probablement récupérer les droits sur SRAM, grâce au manque de succès de l’album chez G.I.D., dont la vocation première demeurait la diffusion d’œuvres solidement ancrées dans le répertoire classique.

Cette fois, il n’est plus question d’épisode ni même des aventures de Jo Rafale, mais de Deux enfants face aux extra-terrestres. La pochette est largement révisée et actualisée par un nouvel illustrateur, Okley, attaché à la maison de disque, mais le livret disparaît. L’album sort toujours en 33 tours et cette fois en grand format 30 cm.

Références :
– « SRAM et la soucoupe volante, les aventures de Jo Rafale, 1er épisode » Album 33 tours, 25 cm, avec livret illustré. Guilde Internationale du Disque, GID M310. Sans date (1965-1970).
– « SRAM et la soucoupe volante, Deux enfants face aux extra-terrestres » Album 33 tours, 30 cm. Mirliton Productions Sonores MI303. Sans date. (1975)

Informations communes aux deux pressages :
Durée, Face 1 : 17’20, Face 2 : 14’45.
Réalisé par Pierre Pon, scénario et dialogues de Pierre Dorsey et Maurice Pon, musique de Pierre Dorsey, effets spéciaux sonores de P. M. Garju.
Avec Maurice Arland (Jo Rafale), Caroline Perrault (Caroline), A. Rodilo (SRAM), Pierre Chevreuse (Julot), pour l’équipe parisienne, les villageois de Cancon (Lot-et-Garonne) en particulier Pierre et Jean-Louis Magnol (les enfants) et Elisabeth Albert (la grand-mère). Et Arnold Dulac, Louis Constant, Louise Varenne, Pierre Reverchon, Jammy, Anne Bousqui.
Avec la participation des habitants du village de Cancon (Lot-et-Garonne)

« Deux enfants d’un village du sud-ouest de la France se trouvent en présence d’un engin mystérieux venant d’une autre planète. Avec l’aide de deux journalistes et d’une jeune femme, ils essaient de percer le mystère… Que va-t-il leur arriver ?

Dans un climat d’aventures et de suspense, l’histoire, traitée avec humour, est jouée avec un grand naturel par deux enfants de 8 et 10 ans, leurs petits camarades de 5, 7 et 9 ans et des comédiens.
Elle a pour toile de fond le petit village de Cancon (Lot-et-Garonne) où ont été réalisés les bruitages d’extérieurs et les ambiances diverses. »

Le texte au verso de la pochette Mirliton résume fidèlement l’aventure qui va emporter Jo Rafale dans cette histoire d’apparition dramatique de soucoupe volante, d’enlèvement, de menace mondiale même ! Il règne sur les péripéties un souffle qu’on dirait issu des productions du Fleuve Noir Anticipation, Richard-Bessière ou Jimmy Guieu, adaptées pour les plus jeunes… et avec plus de fraîcheur, il faut l’avouer. La naïveté du récit est servie par les voix railleuses des acteurs, appuyant la gouaille typiquement parisienne, contrebalancée par la spontanéité candide des villageois amateurs, dont il faut saluer la performance simple et efficace. Une ambiance étonnante, et originale, favorisée par les bruitages délicieusement rétro qui enchantent encore aujourd’hui les auditeurs. À l’instar de mes propres souvenirs — étalée sur le tapis avec mon frère en train d’écouter avec ravissement Zorro, Guillaume Tell ou l’Île mystérieuse — j’ai eu le plaisir de voir mon fils, roulé dans une couverture, se passionner les yeux brillants pour cette excellente histoire ; un récit qui n’a pris que du bouquet avec les années, un crû « rrrouleyant » — loués soit les habitants de Cancon pour avoir joué leur rôle aussi sérieusement, et créé l’atmosphère de ce petit bijou de science-fiction à la française. Toutefois, une question se pose : pourquoi Maurice Pon et son ami Pierre Dorsey, personnalités discrètes et pourtant fondamentales de la variété française, ont-ils situé, avec bonheur, leur aventure dans le Lot-et-Garonne ? La localisation du récit est moins étonnante lorsque l’on sait que Maurice Pon, né en 1921 à Bordeaux, s’est installé dès 1963 à Castelar, en Alpes-Maritimes…
Emplie de l’enthousiasme communiqué par l’album, les acteurs d’autrefois et l’écoute réjouie de mon rejeton, je n’ai pu résister à l’envie de faire un « trailer » audio, à la mode des films des années 1960. Mieux que des mots, j’espère qu’il restituera partiellement toute la richesse de cet OVNI venu des sixties. Et peut-être à présent, n’aurez-vous plus aucun doute à propos du nom étrange de l’envahisseur extra-terrestre ?

Cliquez ci-dessous pour écouter le trailer maison de SRAM :

Petit jeu en option : Trouverez-vous, à l’écoute de ce trailer, quelle est la terrible erreur scientifique commise dans cette histoire de martiens ?
Vous avez découvert la fougue qui mène bien loin SRAM ? On lui pardonnera pour la fabuleuse invention de l’appareil qui transmet la pensée, en ondes vibratoires traduites à la volée : très fort !

À propos de Maurice Pon :
Pour lire une courte biographie : Les auteurs et compositeurs de la chanson francophone

1984, label AZRecord.
1985, label Rigolo.

Maurice Pon a beaucoup œuvré dans le domaine jeunesse, il a d’ailleurs été primé par la SACEM en 1983. Outre son label Mirliton et son catalogue ciblé, il travailla en collaboration avec Henri Salvador à l’époque de son formidable tube pour les enfants : « Une chanson douce » nommé aussi « Le loup, la biche et le chevalier ». Au cours des années 1980, il crée le générique d’une émission pour la jeunesse Croqu’Soleil (FR3), du merveilleux futuriste pour les tout petits, disponible en 45 tours, en 1984, label AZRecord et en 1985 sous le label Rigolo, qui appartenait à Henri Salvador.

« Quel est ce pêcheur d’étoiles
Berger de la galaxie
Venu du ciel, il se nomme Croqu’Soleil
Les voix intersidérales n’ont pas de secret pour lui
Et c’est ainsi qu’il y trouve plein d’amis

C’est Boubou le petit chien espiègle et malin
Et Mam’zèle Chipie Choc jolie petite étoile
À la fois gracieuse et loufoque

Il vient d’une autre planète plus loin que notre soleil
Mais c’est ici qu’il va trouver des merveilles
Sous l’or de ses boucles blondes
Scintillent deux yeux malicieux
D’un bleu de ciel, gentil petit Croqu’Soleil
Il va courir notre monde
Montrer tout le merveilleux
De cette planète que nous connaissons si peu

Oh comme elle est jolie l’histoire d’amitié
Que ce gosse aux yeux bleus
Va vivre avec tout ceux que sur sa route il va croiser

Suivons ce berger d’étoiles
Allons découvrir la terre
Et ses merveilles
Au côté de Croqu’Soleil
Au côté de Croqu’Soleil. »

Paroles du générique.

Petite note
… à propos du double titre parfois trompeur (j’en ai fait les frais) de « Une Chanson Douce » alias « Le Loup, la biche et le chevalier », j’ai trouvé l’explication sur le site de France Inter (Les beaux manuscrits de la chanson française).

« Henri Salvador — Une chanson douce

En 1950, Salvador est à l’ABC, le grand music-hall qui a précédé I’Olympia. Très souvent, il reçoit son parolier Maurice Pon et un soir, dans sa loge, pendant l’entracte, il lui fait entendre une musique sur laquelle il lui demande d’écrire des paroles le plus vite possible. Sur ce, il sort et va poursuivre son tour de chant sur scène tandis que Maurice Pon cherche des paroles.

Quand Salvador revient, il lui montre ce qu’il a fait :

Chanson des îles
Là-bas dans une île
Loin des méchants et des jaloux…

Henri fait la moue et l’arrête immédiatement : “Non, j’en ai marre des îles, du soleil, de la mer. Je voudrais que tu m’écrives quelque chose de plus près de la vie d’ici et qui soit poétique. Allez mon pote ! Au boulot !”

Toute la soirée, Maurice Pon se creuse la tête, sans succès. Il passe une très mauvaise nuit. Par bonheur, le lendemain matin, deux phrases lui viennent à l’esprit :

Une chanson douce
Que me chantait ma maman
En suçant mon pouce…

Salvador est enchanté, mais il lui fait une remarque : “Pourquoi l’avoir intitulée Une chanson douce ? C’est banal. Moi, j’aimerais mieux quelque chose comme…” Il cherche et puis soudain, se ravisant, il lui dit : “Dans ton texte, tu parles d’une biche, d’un chevalier. Voilà le titre de cette chanson : Le Loup, la biche et le chevalier. »

Finalement, la chanson aura beaucoup de succès, mais avec deux titres, et le public donnera finalement raison au parolier. Car tout le monde l’appelle Une chanson douce !

– Pierre Saka »

Maurice Pon est également le parolier de la très-très célèbre chanson passée dans le folklore : ‘Le Travail c’est la santé’ !

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