Super Boy n° 41 Spécial Noël 1952, éd. Impéria : Tank sous-marin et Choc des Mondes

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La traduction française perd les couleurs.

 

 

Il y a une soixantaine d’années, à Noël, la belle jeunesse se cultive dans Super Boy : un tank sous-marin et Le Choc des Mondes.

Super Boy Spécial, décembre 1952, Impéria.

Super Boy, un petit format de bande dessinée comme tant d’autres apparus dans les années 1950, ici aux éditions Impéria, domiciliée à Lyon. Il n’est pas question d’en faire un historique dans cette page, ni même de se pencher sur les bandes, mais de s’intéresser à deux articles. Destinées à distraire le plus populairement possible, les différentes publications pour la jeunesse de l’époque se piquent cependant d’offrir un peu de culture à leur public. Ce qui donne lieu à des informations que l’on trouve rarement ailleurs, entre sensationnalisme et petite histoire anecdotique. Dans ce numéro spécial, de Noël 1952, les 132 pages illustrées, des bandes dessinées aux cases minuscules, contiennent un compte-rendu belliqueux des possibilités ignorées encore par l’armée : le tank sous-marin, signé par un Américain, Frank Tinsley. Le second papier est une critique cinématographique, anonyme, du Choc des Mondes, une opinion définitive !

Deux articles à lire en intégralité sur cette page.
(On excusera l’état médiocre de mon exemplaire et de ses reproductions, merci)

 

La version américaine en couleurs.
Un dôme de matière plastique transparente avec bordure étanche recouvre la tourelle pivotante pendant les plongées. Lorsque le tank émerge de l’eau, des charges explosives font sauter le dôme, découvrant la tourelle prête à l’action. Toutes les ouvertures de la coque sont équipées de joints étanches de caoutchouc. Le périscope ramené sous le dôme permet la vision sous-marine.

Un article qui ne manque pas de théorie et de détails, illustré et schématisé… un peu étonnant dans Super Boy ? Effectivement, mais les amateurs savent déjà que Frank Tinsley est un auteur, illustrateur et dessinateur, qui faisait figure de spécialiste militaire dans la première moitié du XXe siècle. Né à la fin du XIXe, le 29 novembre 1899, il disparaît le 23 juin 1965. Pendant près de cinquante ans, il œuvre d’abord comme dessinateur industriel pour la recherche puis, free-lance, il propose ses services aux revues et enfin se lance dans la bande dessinée et l’illustration des pulps, tous d’inspiration militaire : Action Stories, Air Stories, Air Trails, Bill Barnes Air Trails, George Bruce’s Contact, Lariat Story, North West Stories, Sky Birds, War Birds, et Western Story, sans oublier une bande qui eut un certain succès : Captain Yank. Pourtant, c’est pour les illustrations, et surtout les couvertures de la revue Mechanix, qu’il demeure le plus célèbre. Dès le début des années 1950, il écrit et dessine dans cette revue des engins futuristes, décrits avec force justificatifs pratiques et emplois. La rédaction des éditions Impéria révèle avec ce nom connu la source de ses informations : au moins l’un des articles de Frank Tinsley, paru dans Mechanix Illustrated quelques mois plus tôt, a donc été traduit pour le public français, l’illustration ayant été tristement reproduite en monochrome.

 

Pourquoi ne construisons-nous pas des tanks sous-marins ?

Une telle arme nous serait indispensable pour des invasions avec débarquement sur une plage… et nous avons déjà résolu les problèmes techniques qu’elle comporte.
Par Frank TINSLEY.

Déjà au début de nos campagnes pour la conquête des îles du Pacifique, durant la Deuxième Guerre mondiale, il devint évident qu’il nous fallait une armure appropriée pour exécuter des opérations de débarquement en pointe avancée. L’ancienne technique des péniches de débarquement en bois et des Marines déversés dans l’eau était devenue nettement insuffisante. Lancer des vies humaines sans protection contre des organisations d’obstacles sous-marins tels que mines et réseaux de fil de fer, eux-mêmes soutenus par des nids de mitrailleuses bien cachés et fortement abrités, des mortiers et de l’artillerie, constituait un sacrifice inutile et meurtrier d’hommes dispendieusement entraînés.

Une tentative pour résoudre ce problème fut faite avec l’Alligator, un tracteur amphibie imaginé par Donald Roebling pour des travaux de sauvetage dans la zone des ouragans en Floride. On le transforma d’une manière rapide avec des plaques de blindage légères, on le dota de mitrailleuses à l’avant et on le désigna sous le nom de L.V.T. (Landing Vehicle Tracked — Véhiculé de débarquement à chenilles). Il avait un poste de pilotage à l’avant ainsi qu’une grande cale ouverte pouvant contenir 40 Marines avec tout leur équipement. Ceux-ci surnommèrent vite leur appareil « Taxi d’invasion ». Ayant la possibilité de nager, d’escalader des récifs de corail, de traverser des plages dont le sol était mou, des marécages et des trous de boue, ainsi que de se forcer un chemin dans la jungle, les Alligators furent accueillis avec joie et réussirent à sauver des milliers de Marines.

Quelque bon qu’il fût, l’Alligator était encore insuffisant. Sa vitesse dans l’eau était faible, faisant de lui un but facile. D’autre part, son blindage également était trop vulnérable, ne résistant à rien de plus puissant que des balles de mitrailleuse, et sa cale surchargée constituait une invitation permanente aux éclats d’obus.

Un modèle perfectionné, le L.V.T. (A) (Landing Vehicle Tracked, Armored — Véhicule de débarquement à chenilles, blindé), fournit l’étape suivante. L’idée de « tracteur-amphibie » ou péniche de débarquement blindée, créée pour le transport des troupes d’assaut jusqu’à la côte fut abandonnée en faveur d’une machine d’attaque plus fortement armée et qui ne portait que son propre équipage.

Le « Water Buffalo » — (Buffle d’eau) —. comme il fut surnommé, possédait un aménagement supérieur comme celui d’un tank et renfermait un canon de 37 m/m dans une tourelle pivotante. De plus, deux mitrailleuses de calibre 50, abritées, étaient montées dans des écoutilles de l’arrière. De loin plus redoutable « que son prédécesseur, le “Buffalo” pouvait abattre les nids de mitrailleuses et de mortiers sur la côte avant qu’un seul soldat mette le pied sur la plage. Dans les modèles qui suivirent, un howitzer de 75 m/m fut substitué au canon de 37 m/m, ce qui rendit le monstre d’acier encore plus puissant.

Ce fut avec cette arme que nous avons liquidé notre guerre du Pacifique. Elle constitue encore l’instrument spécialisé de la Marine pour les débarquements amphibies. Ce n’est toutefois pas la solution définitive. Trop lent dans l’élément liquide, obligé de couvrir des distances considérables en pleine vue des batteries de défense, le “Water Buffalo” n’est plus ou moins qu’un canard immobile pour les artilleurs de l’ennemi. Du fait qu’il doit flotter, il est nécessairement armé moins lourdement que son pendant terrestre et, par suite, moins capable de résister au tir des bazookas et des carabines sans recul.

Il importe de trouver une meilleure solution pour tout problème de contre-offensive dans la guerre moderne, comme cela a été démontré en Corée, où une série d’opérations de débarquement a été nécessaire. Quelle est exactement l’arme qu’il nous faut ? De toute évidence, il faut que ce soit quelque chose de hardi, d’inédit, car nous avons presque épuisé tous les procédés classiques.

On a essayé des véhicules de débarquement rapides et blindés, mais ils déversent toujours des hommes sans aucune protection sur des plages balayées par le tir. Ils ont certainement leur utilisation, mais seulement avec les vagues d’assaut suivantes. Des successeurs plus grands et plus mastocs du “Buffalo” supporteraient mieux le feu ennemi tant qu’ils flotteraient, mais seraient trop pesants pour les opérations de terre subséquentes. Des tanks du modèle ordinaire terrestre pourraient être amenés au rivage par des pontons détachables auto propulseurs. Comme tous les véhicules de surface, ils seraient soumis à un feu intense de la part des défenseurs pendant l’opération. Et, d’autre part, si l’un des pontons était touché et ouvert, son tank descendrait au fond comme le ferait un énorme poids d’acier.

“Eh bien !” direz-vous, “que diable pouvons-nous faire ? Ajuster des chenilles sur des sous-marins et les faire rouler vers la plage côtière ?”

Vous êtes peut-être plus proche de la solution que vous le pensez. Puisqu’un tank efficacement blindé est trop lourd pour flotter, pourquoi ne pas le laisser aller au fond où il escaladerait la plage sous l’eau ? Il ne lui faudrait pour pouvoir le faire qu’une fermeture hermétique, une réserve d’air temporaire et une méthode pour se guider le long de pistes praticables au fond de l’océan.

Jetons un coup d’œil sur les problèmes techniques ainsi soulevés.

L’Alligator et le Water Buffalo ainsi que plusieurs projets de tanks amphibies d’avant-guerre, ont démontré que des coques hermétiques, blindées peuvent être combinées avec des propulseurs à chenilles. En ce “qui concerne la fermeture étanche sous-marine, la réserve d’air et le fonctionnement sur le fond de l’eau, un prototype utilisable existe déjà. Il est exact que cette machine a la forme d’un sous-marin minuscule muni de chenilles. Il ne possède pas l’armement ni les tourelles librement pivotantes nécessaires au tank de combat. Mais ce sont là des problèmes qui peuvent être résolus également — si nous y appliquons notre esprit.

La coque, avec ses portes de secours coupées, ses sabords d’admission et d’échappement d’air, ne présente pas de grandes difficultés. Elles ont toutes été surmontées depuis longtemps dans la pratique sous-marine ordinaire. Le problème principal réside dans la tourelle. Là, nous sommes en présence d’une unité entièrement autonome, armée d’un canon lourd, à long tube. Celui-ci doit avoir une liberté de rotation de 360 ° et, son tube une capacité d’élévation de 90 °. Monté sur une plate-forme, mue par un moteur, munie de roulements à billes. Il est difficile d’établir son étanchéité, surtout du fait que le canon et la tourelle doivent avoir leur liberté d’action aussitôt que le tank émerge de l’eau. Et quelle que soit la manœuvre nécessitée pour leur rendre cette liberté, elle doit être exécutée de l’intérieur du tank.

S’il ne nous est pas possible d’assurer étanchéité de la tourelle elle-même, pourquoi ne pas recouvrir l’ensemble de quelque chose qui puisse être rendu parfaitement hermétique ! Prenons notre inspiration dans la conception de l’avion. L’avion à fusées moderne se trouve en face d’un problème similaire quoique se posant dans un élément différent. Le cockpit du pilote est comme un aquarium retourné. Environné d’un air raréfié, glacé aux altitudes extrêmes, il doit lui être assuré un air lourd et respirable, chauffé à la température convenable et enrichi d’oxygène. Cela signifie que l’intérieur du cockpit doit être imperméable à l’air, assez solide pour résister à d’énormes différences de pression et suffisamment transparent pour que la visibilité y soit bonne. Et, de plus, il doit être ajusté à l’appareil de telle sorte que l’on puisse s’en débarrasser instantanément en cas d’urgence.

Il est possible que la solution cherchée soit là. Assujetti dans une bordure moulée dans la coque du tank, exactement à l’extérieur de la jointure de la tourelle, peut être monté un lourd dôme de matière plastique transparente, qui renfermera les pièces mobiles dans une coque rigide et étanche. A l’intérieur de ce dôme qui a l’aspect d’une énorme bulle, le périscope amovible du tank pourra tourner, donnant un champ de vision sous-marine de 360 ° à l’équipage. Au moment où il arrivera en surface, de petites charges d’explosif placées le long de sa bordure, le dôme sera projeté hors du tank, ainsi qu’il est procédé pour les fermetures étanches de l’avion de combat standard. La matière plastique transparente qui convient, les méthodes de fabrication, les courbures optiques, l’assujettissement de la bordure, les joints et le matériel d’éjection sont tous d’obtention normale et facilement adaptables aux besoins exigée par le tank.

La seule pierre d’achoppement possible est le canon à long tube de 90 m/m.

Heureusement pour nous, l’adoption rapide du type de canon sons recul solutionne ce problème. De poids léger et avec un tube relativement court, cette nouvelle bouche à feu est faite sur mesures pour être utilisée par les tanks. Sans trajet de recul à considérer, elle peut tenir entièrement à l’intérieur de la large tourelle en forme de dôme, avec seulement quelques centimètres de la bouche en ressortant. Utilisant des obus projetés par fusées, avec charge à l’avant, sa vitesse initiale et son pouvoir de pénétration égalent facilement ceux de l’artillerie anti-tank actuellement existante.

Avec un canon de 105 m/m sans recul monté d’un côté de la tourelle, un lance-flamme lui faisant pendant, de l’autre, et une batterie de mitrailleuses cachée dans une section rotative indépendante à la partie supérieure, notre tank est plus puissamment armé qu’aucun modèle actuel. Et tous ces engins peuvent être renfermés sous le dôme étanche. Sur notre dessin des pages… et…, notre tank est représenté avec des pare-battage latéraux qui peuvent être levés durant la circulation terrestre pour être utilisés comme sièges pour des hommes ou encore pour le transport d’équipement.

Nos tanks arriveraient devant un rivage ennemi dans des péniches de débarquement du modèle standard pour les transports sur mer. Comme pour les opérations de débarquement de guerre, le pont supérieur supporterait une charge complète de jeeps, de half-tracks et de camions chargés de carburant, de munitions et de ravitaillement destinés à l’exécution d’assauts de tanks subséquents.

Ainsi que le fut l’Europe d’une époque antérieure, nous sommes engagés dans une lutte à mort avec les hordes habilement dirigées de l’Asie. Nous ne pouvons espérer les égaler en ce qui concerne leur puissance en matériel humain. Notre unique chance de les vaincre réside dans un armement supérieur et une science stratégique approfondie. Une combinaison de la science occidentale, de l’ingéniosité yankee et de la volonté bien ancrée de tout essayer constitue notre unique espoir. Il est possible qu’un tank sous-marin soit l’une des armes indispensables. Pourquoi ne l’aurions-nous pas ?

Frank TINSLEY

Pour suivre encore un peu Frank Tinsley, une modeste page bibliographique (en anglais) est disponible sur Pulp Artist. Quelques illustrations suivent, mais une simple recherche au nom de l’artiste permet la découverte d’un grand nombre de ses illustrations.

Le deuxième article reproduit est nettement plus anecdotique mais amusant : une critique d’un grand film technicolor sorti à la fin de 1952 : Le Choc des Mondes.

… COMMENT ÉCHAPPER À LA FIN DU MONDE ?

Dans un film, c’est presque aussi facile que de faire parler un mulet : on construit une fusée et, lorsque les choses vont trop mal, on s’envole vers une autre planète.

C’est ce qui se passe dans le film en technicolor de RUDOLF MATE « LE CHOC DES MONDES ». Au début de ce film, nous apprenons que dans un délai de quelques mois la Terre va se trouver désagrégée par la rencontre d’un astre qui se dirige droit sur elle. Une assemblée mondiale de savants est convoquée (nous avons déjà vu cela dans « LE JOUR OÙ LA TERRE S’ARRÊTA ») mais personne ne croit à la prévision des astronomes américains. Ne voulant pas laisser périr toute l’humanité, ceux-ci décident de construire une fusée interplanétaire qui sauvera avec 40 humains, des spécimens de plantes, d’animaux, sans oublier des livres réduits à l’état de microfilms.

Il faut se hâter, car les premiers effets de l’approche de ZYRA (la planète tamponneuse) vont bientôt se faire sentir. Les méthodes les plus modernes et les plus perfectionnées sont utilisées dans l’immense chantier où s’ébauche la nouvelle « Arche de Noé ». Une armée de techniciens, hommes et femmes y travaillent jour et nuit ; c’est parmi eux que seront choisis les heureux élus qui seront sauvés.

Le début du cataclysme nous vaut ces scènes à grands spectacles reproduites sur les affiches, en particulier l’inondation de NEW YORK par un raz-de-marée. On a reconstitué scrupuleusement en une petite maquette l’aspect d’un carrefour de NEW YORK ; avec une lance d’arrosage, on fait une jolie vague, et le tour est joué : il y a de l’eau jusqu’au premier étage.

L’attente du cataclysme nous vaut quelques instants angoissants, mais dès que les calamités commencent nous n’avons plus peur du tout. Est-ce le technicolor dont les couleurs vives donnent un petit air joyeux qui n’est pas dans le ton souhaité par les réalisateurs ?

C’est plutôt que le tragique de l’histoire est trop axé sur les choses : une éruption volcanique comme celle que l’on voit dans « LE CHOC DES MONDES » n’est véritablement effrayante que si l’on peut en mesurer le danger dans le regard angoissé d’un personnage.

Et là, les personnages sont vraiment beaucoup trop à l’aise pour que nous entrions dans le jeu. Ils ne croient pas à la fin du monde et nous non plus. À la fin, lorsque les rescapés partent dans la fusée, nous n’avons pas la sensation qu’ils volent dans les espaces infinis du ciel, mais nous sentons bien qu’installés dans leurs confortables fauteuils, ils attendent la fin des prises de vues pour retourner chez eux.

Le cinéma est l’art de l’illusion. Si les spectateurs ne sont pas transportés par la magie des images, jusque dans l’action même à laquelle ils participent réellement de tout leur cœur, c’est que le film n’a pas atteint son but. Il n’en reste pas moins que « LE CHOC DES MONDES » n’est pas un film ennuyeux, et, pour un jour de pluie, ce spectacle peut très bien aller.

Un jour de pluie, c’est entendu, et on évitera toutefois l’averse de météorites !

 

Un petit mot sur les récits complets : Nylon Carter, Les Survivants de la Terre, Frank Sauvage, Entre deux rives et Peppino le Paladin. Le format des cases est très réduit, rendant parfois la lecture malaisée. Dommage, quelques cases réalisent des prouesses.

 

Pour le détail, n’hésitez pas à visiter l’énorme base de données Dans la Gueule du loup de notre ami Prokov.

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