Théodore Botrel – L’Aigle et le Tigre (1918)

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« L’Aigle et le Tigre », poème de Théodore Botrel, est paru dans la revue mensuelle L’Ambulance, organe officiel de la Croix-Verte, d’août-septembre-octobre 1918.

Ce texte, ainsi que cette revue, sont très intéressants et ce, pour plusieurs raisons. Commençons d’abord par ce poème. « L’Aigle et le Tigre » est sous-titré « Anticipation à la manière de Wells » : voilà qui est prometteur ! Ce texte met en scène l’Aigle allemand face au Coq français, ainsi qu’un vieux Tigre. Sans donner de noms, Théodore Botrel fait clairement allusion au « Tigre de la France », Georges « Le Tigre » Clemenceau, alors âgé de 77 ans.

L’auteur décrit le futur « Père la Victoire » terrassant le « Grand rapace immonde » : l’Armistice sera signé un mois après la parution de ce numéro…

L’Aigle et le Tigre

(Anticipation à la manière de Wells)

Le petit coq de France émerveillait le Monde :
Déchiré, front sanglant, mais claironnant toujours,
Il tenait tête à l’Aigle, au Grand rapace immonde
Qu’escortaient les corbeaux, les grands-ducs, les vautours.

Le Tigre, lui, rôdait dans la jungle profonde
Autour des combattants, à longs pas de velours ;
L’Aigle observait, narquois, son humeur furibonde
Car le Fauve était vieux, lourd de Gloire et de jours.

Et le combat durait entre les adversaires
Depuis quatre ans, à coups de becs, d’ergots, de serres,
Semblant devoir s’éterniser !… Quand, tout à coup,

Le vieux Tigre bondit, muet, sur l’Aigle noir
Et, d’un revers de patte et d’un coup de mâchoire
Il lui fracassa l’aile et lui tordit le cou.

Le Comité d’honneur de l’Association des Œuvres de la Croix-Verte française, sous le haut patronage de M. Raymond Poincaré, Président de la République, était composé de nombreuses personnalités, dont Paul Adam, Paul Painlevé et J.-H. Rosny aîné de l’Académie Goncourt.

Raymond Poincaré, avant d’être Président de la République, était avocat : il défendit, par exemple, les membres-fondateurs de l’Académie Goncourt opposés aux héritiers d’Edmond de Goncourt (suite à sa disparition en 1896). Des années plus tard, c’est lui qui appela Georges Clemenceau à la présidence du Conseil.

Le premier comité pour la construction d’un monument à la mémoire de Flaubert, constitué en 1905, se composait (entre autres) de Georges Clemenceau, J.-H. Rosny aîné et Paul Adam.

Paul Adam et Paul Painlevé étaient vice-présidents de la section française des Amitiés franco-étrangères dont Anatole France était Président. J.-H. Rosny aîné en était aussi membre.

Paul Painlevé connaissait très bien Anatole France, ainsi que Georges Clemenceau (avec qui il fréquentait les Salons parisiens dreyfusards) et Paul Clemenceau.

Paul Clemenceau (1) était un des membres fondateurs de l’Association d’encouragement aux Lettres, aux Arts, aux Sciences et à l’Action sociale (aussi connue sous le nom « Cercle Carré »). Le Président en était Anatole France. Parmi les autres membres-fondateurs : Paul Painlevé.

Paul et Georges Clemenceau, J.-H. Rosny aîné, Paul Adam, Paul Painlevé, Raymond Poincaré : « Il n’y a pas à dire […] la terre devient terriblement petite. On ne peut plus aller nulle part sans rencontrer des gens que l’on connaît… (2) »

(1) Extrait des Mémoires de la vie littéraire, de J.-H. Rosny aîné : « Paul Clemenceau ressemble étonnamment à Georges Clemenceau. Les mêmes yeux vifs, la calvitie congénitale, la parole impétueuse et impérieuse, la gouaille et la combativité. Paul est plus grand et moins trapu, moins Kalmouk aussi. C’est un homme primesautier, une cervelle active où les idées bouillonnent. A cette époque, il mijotait une grande théorie scientifique, dont il parlait par intermittences, en laissant filtrer des lueurs. »

(2) Extrait de « La Rencontre » (1897), par J.-H. Rosny.

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