Thomas Browne : Hydriotaphia ou Discours sur Les Urnes funéraires… Le Promeneur (Gallimard), 2004

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Thomas Browne : Hydriotaphia ou Discours sur Les Urnes funéraires récemment découvertes dans le Norfolk

(Hydriotaphia, Urn Burial, or a Discourse of the Sepulchral Urns lately found in Norfolk, 1658), Le Cabinet des Lettrés Éditions Le Promeneur (Gallimard), 2004

Un joli livre, un peu snob (le précieux élitisme m’agace souvent, comme un vernis plaqué pour impressionner un lecteur Trissotin sur les bords) mais pour une fois, le texte en vaut la peine, dit-elle avec un dédain lorgnant vers l’arrogance. J’emploie beaucoup le mot arrogance, en ce moment, pour me donner le courage d’affirmer une opinion personnelle, sans le filet réconfortant de quelques citations antérieures venues d’autorités bien assises.
Un livre dit des Éditions Le Promeneur, mais en fait Gallimard, comme s’il fallait tromper un peu l’acheteur en lui promettant une édition confidentielle réservée à… eh bien aux lettrés, puisque la collection s’appelle Le Cabinet des Lettrés. Une réédition de 2004 qui plus est, bon, rien de bien intime finalement, mais il reste un joli livre, à rabats, sur beau papier et à la présentation soignée. Avec trois pastels, aquarelles, peintures à l’eau (choisissez !) morbides du talent de Miquel Barceló. La présentation, la traduction sont de Dominique Aury, en 1970, la dame qui publia Histoire d’O, sous le nom de Pauline Réage, ce genre de détail est toujours rigolo.
Hydriotaphia ou Discours sur Les Urnes funéraires récemment découvertes dans le Norfolk est le titre, long et verbeux comme je les aime, de Thomas Browne, un Anglais du XVIIe siècle, obsédé par la mort, les coïncidences, et la mort. Et la vie, dans une interprétation sans cesse oscillant entre mysticisme et science, un drôle d’oiseau original de la pensée, bien peu conventionnel par rapport au dogme anglican, campant des positions avant-gardistes sur des thèses controversées comme l’esclavage, les prédispositions raciales, etc., qui serait à l’origine de plus d’une centaine de mots, des néologismes encore employés aujourd’hui. En tout les cas, Browne a traversé les siècles et suffisamment intrigué pour entrer en littérature avec des auteurs comme Poe, Borges ou Melville. Ce qui ne me surprend pas après lecture, dont je m’empresse de déverser des extraits, histoire de paraître cultivée avec mon savoir tout neuf, de cette méditation sur l’ensevelissement des morts.

Comment le volume d’un homme se peut réduire à si peu de poids d’os et de cendres, peut paraître étrange à quiconque n’examine pas de quoi il est fait, et combien mince est la masse qui restera de la composition charnelle sur un feu ouvert et violent.

 

Être déterrés de nos tombes, qu’on fasse de nos crânes des hanaps et de nos os des pipes pour le plaisir et l’amusement de nos Ennemis, voilà des abominations Tragiques à quoi l’on échappe par l’ensevelissement par le Feu.

 Qu’il n’y ait rien d’absolument immortel, sinon l’immortalité ; ce qui n’a jamais eu de commencement peut être sûr de n’avoir pas de fin – ce qui est le propre de cette nécessaire essence qui ne peut se détruire elle-même. Et la plus haute marque de la toute-puissance est d’être si puissamment constituée qu’elle ne saurait souffrir de son pouvoir même ; tous les autres sont dans la dépendance et à portée de la destruction.

Décidément, acquérir des livres au hasard demeure une activité fourre-tout des plus étonnantes !

 

Mon billet souffrant d’humeur subjective, il est bien à propos d’ajouter les opinions et précisions plus justifiées de quelques-uns de mes amis, pour contrebalancer mon avis sévère (et sans remords) sur la présentation et la réédition.
Leo Dhayer rectifie : « Le Promeneur était à la base une revue, qui est devenue une maison d’édition, puis une collection, d’abord chez Quai Voltaire, ensuite chez Gallimard. Sans doute est-ce pour garder l’identité de la collection que Gallimard n’a pas voulu casser l’identité visuelle des couvertures (conçue par un graphiste italien prestigieux) avec son logo. Gallimard n’est pas un ange, mais tu lui prêtes là de bien mauvaises intentions, les livres se vendraient sans doute mieux avec le logo de la NRF dessus. » Archives des fond Le Promeneur.
Samuel Minne précise : « Et derrière Le Promeneur, il y a Patrick Mauriès, si je ne me trompe. Qui a fait connaître les excentriques anglais et traduire Edward Gorey. »

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