Roger Dévigne – Si les Atlantes ont existé… (1927)

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« Si les Atlantes ont existé… », de Roger Dévigne, est paru dans L’Intransigeant du 16 mars 1927.

Du même auteur : Georges-Hector Mai – L’Île Oubliée (Histoire des temps futurs) (1913)

Si les Atlantes ont existé…

En des temps difficiles à évaluer nettement, la mappemonde terrestre a connu d’autres configurations continentales que celles d’aujourd’hui, qui nous semblent immuables. Tour à tour, la Lémurie, qui dut s’étendre de Madagascar à la Haute-Indochine ; l’Hyperborée, qui constituait le grand continent boréal primitif ; l’Atlantide, enfin, ont paru et disparu, frissons à peine sensibles sur la peau de la terre, si nous nous plaçons sur ces sommets quasi astronomiques d’où la géologie voit se dérouler la vie de notre Terre.

Aussi, peu importe que les savants qui ont traité de l’Atlantide ne soient pas tous d’accord sur son emplacement présumé. L’Atlantide a pu émerger dans cette aire de l’Atlantique que la mer des Sargasse recouvre en partie.

Après les savantes notes d’un Louis Germain, du Muséum, d’un Pierre Termier, de l’Institut, l’existence d’une Atlantide, qui va se morcelant de la fin du tertiaire au seuil du quaternaire, n’est plus sérieusement contestée. Mais le débat le plus émouvant pour nous, gens de 1927 après J.-C., reste encore à éclaircir.

Ce n’est pas tant le pays qui importe que les hommes qu’il a pu contenir. Ce n’est pas l’Atlantide qui nous passionne, ce sont les Atlantes.

Or si les vestiges de la terre d’Atlantis sont ensevelis sous la boue des grandes profondeurs océaniques, les traces des Atlantes ne sont pas totalement effacées des monuments et des légendes de ces peuples antédiluviens que Platon a énumérés sur sa carte de l’Empire atlante.

Américains, Guanches, Berbères-Lybiens, Ibères, Basques, Ligures, Étrusques nous ont laissé, éparses, effritées, un ensemble de traditions qui suggèrent une troublante communauté d’origine.

Tout semble se passer (pour ceux qui n’osent pas croire encore à une Atlantide antédiluvienne) comme si une civilisation X, en des temps qui oscillent, d’après des calculs hésitants, entre 12.000 et 6.000 ans avant aujourd’hui, avait doté les civilisations primitives énumérées plus haut d’une science astronomique, d’un culte du soleil et d’une technique industrielle du bronze qui ne peuvent guère s’improviser — la science des astres surtout, étant donné les observations séculaires, qui lui sont indispensables pour établir ses lois.

Tout semble se passer comme si un puissant empire du Bronze, pratiquant le culte solaire, et contrôlant, par ses comptoirs ou par ses colonies, les rivages de l’Europe occidentale, de l’Afrique, et de l’Amérique centrale, avait imposé ses lois à des peuples encore barbares qui auraient confusément conservé, par la suite, dans leurs mythes religieux, la trace légendaire de cette domination et de cet enseignement. Sur cette donnée, sur cette hypothèse, la Société d’Études Atlantéennes a construit son plan de recherches.

On devine quel monceau de traditions confuses, de manuscrits effacés, de documents contestés ou indéchiffrés il faut remuer pour évoquer, sous cette poussière, les fantômes du peuple, ou de la confédération de peuples, qui aurait fait régner, à la veille des derniers cataclysmes glaciaires ou diluviens, une domination si forte, sur le monde primitif, que nous pensons pouvoir en retrouver les vestiges malgré tous les cataclysmes qui sont passés sur elle.

Comprenez-vous, à présent, combien cette étude est attachante, combien elle bouleverse les idées que nous avions sur nos origines ? Ou, plutôt, pressentez-vous de quelles convaincantes inductions elle emplit les pages blanches du livre de l’Histoire humaine, de quelles notions elle comble le long hiatus qui se creuse encore — dans la science officielle — entre les derniers âges de la pierre taillée ou du bronze et les premières civilisations historiques ?

La science n’a pas osé, jusqu’à présent, se livrer à ce vaste et hardi labeur de confrontation, de comparaison entre les documents, les monuments et les traditions du vieux monde africain et méditerranéen et du vieux monde américain.

Tout le mystère de l’Atlantide gît pourtant, encore, sous ce plan de travail et nul esprit de bonne foi ne peut nier qu’en tout état de cause de semblables recherches ne puissent être précieuses.

Quoi qu’en pensent certains érudits, pour qui l’hostilité aux idées neuves est une forme du savoir, le problème de l’Atlantide et des Atlantes (tout comme, jadis, ceux de la rotation de la Terre ou des fossiles), se pose désormais et ce n’est point par des négations dédaigneuses que nos sciences d’observation pourront se résoudre.

Draguée par les poètes et les visionnaires, l’Atlantide, avec ses temples, ses ports, ses usines, ses forteresses, ses dieux, remonte des profondeurs océaniques…

C’est maintenant que le rôle des savants commence et qu’il appartient aux maîtres de la géologie, de l’ethnographie, de la paléographie, de la linguistique, de l’histoire des religions, d’étudier — sans parti pris — cette hypothèse féconde et de nous dire si les maîtres de l’Atlantide furent vrai ment les civilisateurs mythiques de nos sauvages aïeux.

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